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Les bons mots de la racaille UDC

Grâce au franc-parler du patron des agrariens genevois Soli Pardo, on comprend mieux pourquoi l’UDC est une banale officine plutôt qu’un vrai parti politique. Analyse.

L’UDC ne dort jamais. Même constamment désavouée par le peuple, comme dernièrement sur l’AI — le comble pour un parti supposé représenter ce même peuple, pur, dur, face aux molles et fielleuses élites. Qu’importe: à terre, les blochériens renfourchent aussitôt de nouvelles montures, dont chacun sait qu’elles finiront dans le mur. Celle-ci s’appelle «Interdiction des minarets». Celle-là «Élection du Conseil fédéral par le peuple».

L’essentiel n’est pas d’arriver à mettre en œuvre une politique, ni de trouver des solutions crédibles. Chacun sait que l’élection du gouvernement par le peuple est une usine à gaz impraticable, que l’interdiction des minarets n’apporterait pas l’ombre d’un début de solution à la cohabitation pacifique entre musulmans et non musulmans.

Non l’important, pour l’UDC, c’est de galoper pour se montrer et engranger, quitte à laisser de sales traces dans son sillage. En général, l’UDC assume son crottin, explique que la provocation c’est de la com’ et de la bonne, qui fait avancer le débat démocratique.

Il y a pourtant des exceptions: certains UDC genevois, le conseiller national Yves Nidegger en tête, font mine d’être troublés par l’annonce électorale du à la belle imagination de leur président Soli Pardo. Comme quoi la nouvelle liaison ferroviaire franco-suisse «CEVA» ne serait rien qu’un «nouveau moyen de transport pour la racaille d’Annemasse».

Pas très joli-joli. Sauf que le même Nidegger cette semaine, dans une chronique publiée par le Nouvelliste valaisan, s’en prend, lui aussi sans la moindre fioriture, aux «migrants sous-employés mais féconds», à la «culture dysfonctionnelle des immigrés non assimilés, en particulier musulmans», à la «violence des déracinés». Bref des propos qui ne sont pas ceux d’une vierge facilement effarouchée par le politiquement incorrect.

Difficile en outre de donner vraiment tort à l’amusant Pardo qui trouve ce ramdam un peu disproportionné: «Si on ne peut même plus traiter les criminels de racailles, ou va–t-on?» De quel dérapage s’est en effet rendu coupable le désormais bien seul Soli, sinon dire tout haut ce que la plupart de ses camarades pensent également tout haut? A savoir que venu d’Annemasse ou d’ailleurs, tout ce qui n’est pas franchement suisse développe, par on ne sait quelle mystérieuse malédiction, une tendance à tourner racaille. D’ailleurs Yvan Perrin soi-même, l’un des vice-présidents de l’UDC nationale, valide l’opération Pardo. Ils voudraient quoi, Nidegger et ses copains? Dégueuler sur tout ce qui bouge et avoir en plus le beau rôle?

D’autant que l’annonce a parfaitement rempli la fonction habituelle dévolue à ce genre de pseudo-brulôts UDC: faire réagir l’adversaire, qui s‘empresse généralement de dire n’importe quoi. «Nauséabond», «insupportable», «raciste», tempêtent en chœur la gauche, la droite bourgeoise, les associations et les médias face à un petit placard qui ne faisait qu’évoquer, de façon certes grossière, la délinquance frontalière. On ne voit pas bien au nom de quoi ce thème de campagne aurait du rester tabou.

Pierre Rutschi,le rédacteur en chef de la Tribune de Genève, met d’ailleurs le doigt où ça fait mal en expliquant pourquoi, malgré qu’elle la trouve «choquante», la TDG a publié l’annonce: parce que cette diatribe montrerait le vrai visage de l’UDC «sans fard ni artifice. Racaille? Ainsi parle le parti. Mépris de l’autre? Le doute n’est plus permis».

Il est probable en effet que les militants de l’UDC qui ne partagent pas la délicate manière de dire du poète Pardo, se sentiraient beaucoup mieux chez les gentils cousins radicaux. Jamais un mot plus haut l’autre et qui publient, eux, des annonces bien plus sympathiques, tellement sympathiques que personne ne les voit. Du genre: «La propreté de nos rues plutôt que des tags sur nos immeubles».

Les UDC soudain saisis de doutes font ainsi un peu penser à ces antisémites qui ont attendu les photos d’Auschwitz pour réfléchir. Eh oui, Annemasse ce n’est pas si loin, c’est même tout près, ça semble soudain fort concret. Plus concret que simplement «les abuseurs», «les requérants», «les musulmans», «les criminels». D’ailleurs le maire a porté plainte. Annemasse rappelle donc cette évidence: que l’UDC s’attaque chaque fois à des gens bien réels, nommés précisément, plutôt qu’à des principes, et qu’elle est donc, d’avantage qu’un vrai parti politique, une banale officine.