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Cervelas et grippe porcine: la Suisse à l’attaque

Nos saucisses nationales pour séduire nos amis allemands, et Marie-Thérèse Porchet pour repousser le H1N1. Cette fois, l’imagination est vraiment au pouvoir.

Cervelas et schübligs saint-gallois comme s’il en pleuvait. L’association Proviande s’en réjouit: «Les invités seront choyés sur le plan culinaire avec des délicatesses du pays.» Les invités bien sûr aux festivités du 1er août organisées par l’ambassade de Suisse à Berlin.

Pas sûr pourtant que ce menu de l’Helvétie grasse et profonde suffise à ramener nos amis allemands à de meilleurs sentiments. Surtout qu’ils n’ont rien à apprendre de personne, question saucisses. C’est un peu comme si l’Union européenne voulait nous amadouer avec des raclettes autrichiennes ou des fondues savoyardes.

Ces Allemands qui, avec les Français, les Italiens et les Espagnols, viennent de recaler le plan de Hans-Rudolf Merz pour sortir de l’impasse des cadeaux fiscaux généreusement octroyés par les cantons à leurs riches et fuyants résidents. Un plan que le bon Appenzellois avait cru rusé et équilibré. C’était largement sous-estimer la hargne internationale contre l’oasis à croix blanche, surtout que ces menaces et sanctions de toutes parts n’ont pas l’air de freiner le mouvement des gros poissons, toujours nombreux à venir y chercher air pur et bouclier fiscal. Le transfert du siège européen de McDonald’s de Londres à Genève a fait les choux gras de la presse financière britannique.

Ce qui est ressenti ici comme un acharnement injuste contre l’industrieuse et honnête petite Suisse n’est vu là-bas que comme du vol: organisé, civilisé, camouflé en bonne cause grâce au vernis de grands principes comme la liberté de circulation et de commerce, mais du vol quand même.

Il faudrait donc bien plus qu’une distribution de cervelas pour enrayer la tendance. Mais cette saucisse-là fait partie des mythes nationaux intouchables. Défense donc d’en rire.

Tout comme de la grippe porcine. L’Office fédéral de la santé publique a la curieuse habitude de produire régulièrement des spots publicitaires onéreux, balançant souvent entre la provocation gratuite et les lapalissades de comptoir. Une fois encore, les critiques pleuvent: 3 millions, cela fait un peu cher la pitrerie pour entendre, côté romand, Marie-Thérèse Porchet affirmer que le H1N1, ce n’est pas un gag.

Même accompagné de quelques conseils hygiéniques déjà archi connus, et de cette consigne un peu humiliante: les Suisses sont libres d’aller où ils veulent à l’étranger — encore heureux — mais à leurs risques et périls, ce qui est le principe même de tout voyage, voire de toute action humaine.

Surtout qu’il s’agit d’endiguer une épidémie dont certains prédisent déjà que, comme la guerre de Troie, comme le bug de l’an 2000, comme l’autre grippe venue de la basse-cour en délire, celle du poulet, elle n’aura peut-être pas lieu.

Déjà, assureurs et industriels pharmaceutiques sont pointés du doigt, accusés d’entretenir à dessein la psychose, avec la benoîte complicité des pouvoirs publiques. En France le débat divise même les élites. A l’ancien ministre, député UMP et néanmoins médecin Bernard Debré qui avait qualifié le H1N1 de «grippette», la ministre de la santé Roselyne Bachelot a rétorqué que le docteur Debré ferait mieux de se concentrer sur ses compétences d’urologue.

Chez nous, l’homme de la rue ne semble pas prêt à céder à l’intoxication. Pour preuve ces admirables arguments développés — tout arrive — dans le courrier des lecteurs de 24 Heures, par un certain Patrick Schifferling, sonologue à Orbe, habitué certes dudit courrier, notamment pour contester le réchauffement climatique. Alors vous pensez si cette grippette le terrorise: «Selon le dernier décompte, 80 personnes en sont mortes sur la planète en un peu plus d’un mois», alors que dans le même laps de temps, rien qu’en Amérique du Nord «au moins 2’500 citoyens sont décédés de la grippe ordinaire et 80 étouffés à mort en mangeant».

Avant de porter l’estocade: «Plus nous avons peur, plus notre système immunitaire s’affaiblit.»

C’est un peu la même chose avec le cervelas, que l’Union européenne avait tenté d’interdire, au motif de suspects boyaux de zébus brésiliens entrant dans sa composition. Encore heureux qu’il ne s’agisse pas de boyaux de porcs mexicains et que la grippe du zébu, personne n’en ait encore entendu parler. Pour l’instant.