CULTURE

Chapitre 1: Sous le soleil du Léman

Dès ses débuts à l’été 1997, la première figure mythique d’internet avait promis de se dévoiler le 31 décembre 1999. Voici le premier épisode de l’histoire d’Innocent.

Par Innocent

Innocent est né sur une terrasse d’Ouchy, au bord du lac Léman, un beau jour du mois d’août 1997. Quatre journalistes sont attablés et discutent de la fusion entre les deux grands quotidiens suisses de langue française qui a été annoncée quelques semaines plus tôt, le 24 juin.

Cet été 1997 est chaud dans les rédactions du Nouveau Quotidien et du Journal de Genève: une grève des idées a été lancée, les réunions syndicales se multiplient et, rapidement, les journalistes s’aperçoivent que les grandes décisions se prennent à leur insu. Leurs intérêts et leurs projets rédactionnels ne pèsent pas lourd dans la stratégie commerciale des éditeurs. Surtout, les promoteurs de la fusion tentent par tous les moyens de bloquer l’information: il apparaît rapidement que leurs intentions ne sont révélées que très partiellement. Deux clans se forment parmi les journalistes: les informés, un minuscule groupe proche du pouvoir, et les autres, ceux qui subissent les rumeurs.

Comment faire circuler l’information entre les deux rédactions? Comment ouvrir un vrai débat autour d’un projet de presse ambitieux qui concerne l’ensemble du pays? Sur cette terrasse du Café du Port, l’idée s’impose de créer un site internet totalement libre et indépendant. Et pour que sa liberté de parole soit totale, sans menace de licenciement ni autocensure, ce site restera anonyme et secret. Un pacte est scellé à l’heure du café entre les quatre personnes présentes sur cette terrasse, trois hommes et une femme, tous journalistes au Nouveau Quotidien.

Deux d’entre eux sont passionnés par le Net et la révolution qui se prépare dans la diffusion de l’information. Ils savent qu’il suffit de bonnes connaissances techniques pour répandre sur le réseau des informations ou des rumeurs parfaitement intraçables. Avec le Net, n’importe qui, ou presque, peut devenir éditeur anonyme, ce qui ouvre de nouveaux horizons, mais pose aussi des questions déontologiques fondamentales.

Le site qui sera créé devra donc accueillir des informations et des débats sur le futur journal fusionné, mais aussi fournir un cas de figure, un modèle qui pose les bonnes questions éthiques, sans abus ni dérapage. Pour ces deux journalistes, consciencieux et responsables, le lancement d’un site anonyme apparaît beaucoup plus efficace que de longs articles théoriques avertissant des dangers de l’anonymat. Ce sont eux qui se chargeront de la création du site. Leurs deux collègues promettent de garder le secret.

Les quatre amis ne se doutent pas encore du formidable retentissement médiatique que connaîtra le site Innocent.

Chapitre 2: De l’éternelle Russie, jusqu’à La Chaux-de-Fonds