Depuis quelques mois déjà, les élégantes ne montraient plus leurs genoux. Un signe annonciateur de récession, selon la théorie de George Taylor. Pour anticiper l’avenir, décryptons donc les collections du printemps-été 2009.
Si Alan Greenspan et les experts de la finance avaient été attentifs à la longueur des robes d’Angelina Jolie, de Madonna et de leurs consoeurs paradant cet été sur Sunset Boulevard, la crise ne les aurait pas surpris. Ils auraient vu venir…
Lors de leurs études, n’ont-ils pas appris que, dans les années vingt, George Taylor, professeur d’économie à la Wharton Business School, avait énoncé une théorie, a priori frivole, mais qui a fait ses preuves depuis: la Hemline Theory ou théorie de l’ourlet? Celle-ci ose établir une corrélation entre la longueur des vêtements féminins et la cotation des actions en bourse.
Quand tout va bien, les jupes raccourcissent, on est dans la légèreté. En période de récession, le vêtement se fait protecteur, les jupes se rallongent, comme s’il s’agissait, symboliquement, de se défendre contre l’adversité.
En 1922, le boom de Wall Street avait fait monter les ourlets, puis les jupes étaient soudain rallongées à la veille du krach de 1929. Idem dans les années 1970 où la fin de la mini sexy avait précédé le choc pétrolier de 1973. Pour affronter les frimas économiques, c’est la longueur maxi qui avait alors pris le relais.
Le 19 octobre 1987 fut un lundi noir. L’indice Dow Jones chuta de 507 points, à 1738, soit de 23%. Une semaine plus tard, le New York Times titrait «La tendance mode en un mot: court». Quinze mois plus tard, l’indice était remonté à 2300 points.
La mode est demeurée courte, très courte même et les indices boursiers ont pris l’ascenseur jusqu’en 1993, où la crise fut elle aussi annoncée par le retour du grunge.
Depuis l’arrivée massive des pantalons, l’indicateur de Taylor doit être complété par un indicateur relatif à la hauteur de la ceinture. Après des années de taille basse avec vue plongeante sur un string, on assiste aujourd’hui au retour de pantalons ceinturés à la hauteur de la taille effective, et l’abandon du string pour le plus couvrant «shorty». Que cela nous apprend-il de la situation économique? Que l’heure est venue de protéger son intimité.
La mode est sans cesse projetée dans les saisons suivantes et devance ainsi souvent l’air du temps. Les collections de cet automne-hiver 2008 avaient parié sur les tailleurs-pantalons et la sobriété des petites robes noires sous le genou. Les couturiers avaient-ils perçus, en 2007 déjà , les prémices d’un krach boursier?
Pour l’historienne de mode Florence Muller, «la mode a toujours été un miroir de la société dont elle sait parfois anticiper les ruptures. Les créateurs sont des hypersensibles, des éponges. Ils développent des antennes».
Que nous proposent-ils donc pour 2009? Lors des défilés de Milan, New York et Paris, on a vu cet automne les manequins des couturiers oracles avec deux tiers de leurs cuisses à l’air libre chez Gucci, Givenchy et Balmain.
Chez Cavalli, l’ourlet est juste en-dessous de l’os de la hanche. Chez Vuitton et Alaïa il flotte dans des hauteurs à se casser le cou. Chez Sonia Rykiel, il est une largeur et demie de main en-dessus du genou.
C’est moins court en revanche, chez Marc Jacobs, Chanel, Yves Saint Laurent, Cacharel, John Galliano et Ralph Lauren. Chez eux, l’ourlet ne s’éloigne guère du genou.
Décryptage à la George Taylor: une embellie modérée.
