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Blochériens sans l’être

Comme toutes les tourmentes politiques, la crise que traverse l’UDC met à nu les acteurs du microcosme. Entre opportunisme et ingratitude, ce n’est pas joli-joli. Galerie.

Tiens, revoilà PFV. Qui ça? Mais oui souvenez-vous, Pierre-François Veillon, flamboyant conseiller d’Etat vaudois UDC dans les années 90, qui allait pourtant perdre très vite le contrôle de son département des finances et être contrait à une démission infâmante, sur fond de scandales comptables, en pleine crise de liquidités publiques.

Depuis, certes, l’homme s’est refait une petite santé comme conseiller national. Oh du genre très discret, pas un mot plus haut que l’autre, ou plutôt pas de mots du tout. Un de ces UDC vaudois capable de faire comme si le blochérisme n’existait pas, n’avait jamais existé. De faire comme si, pour un libéral bon teint, adepte d’un conservatisme suranné, bon enfant, paysan pour dire, il était normal d’appartenir toujours à une formation devenue moderne, populiste, agressive et nationaliste jusqu’à la provocation.

Mais soudain, catastrophe: voilà PFV propulsé à nouveau malgré lui sur le devant de la scène. Les dissidents bernois et grisons de l’UDC en train de constituer un nouveau parti se comptent sous la coupole, et justement il leur manque un conseiller national pour faire l’appoint et former un groupe parlementaire.

Veillon paraît tout désigné et en adéquation parfaite avec cette nouvelle formation se voulant à mi chemin entre le parti radical et l’UDC de Blocher. Pourtant il dit non. Apostrophé par Le Matin — «Seriez-vous devenu blochérien?» –, PFV répond sans sourciller: «Evidemment non.»

Alors quoi? Eh bien, tout simplement, Pierre-François Veillon estime «qu’il n’y a pas la place dans le canton de Vaud pour un nouveau parti UDC à tendance libérale» et qu’il ne veut pas être «à la base d’une section vouée à l’échec».

Cela a le mérite de la franchise: Pierre-François Veillon préfère gagner en sacrifiant ses idées plutôt que risquer une déculottée en les défendant.

Soyons juste: PFV n’est pas le seul UDC peu à l’aise dans les habits trop criards du blochérisme qui n’ose pourtant effectuer le grand saut. La conseillère nationale vaudoise Alice Glauser s’estime par exemple trop fraîchement élue et manquant donc de repères pour tenter l’aventure.

Son collègue Jean-Pierre Grin, lui, préfère rester fermement cantonné le cul entre deux chaises, refusant de «fermer la porte au nouveau parti» mais tout en restant fidèle à l’ancien dans l’espoir d’une «évolution de l’UDC vers d’avantage de pluralisme». Le jurassien bernois Jean-Pierre Graber, lui non plus, ne tentera pas le diable, au nom de «l’unité du parti».

Ironie de l’histoire, cet élan de panurgisme frileux intervient au moment au même où Blocher se retrouve pour la première fois contesté par ses propres troupes, ses plus fidèles affidés, la dérouillée du premier 1er juin sur les naturalisations par le peuple étant passée par là.

Certains suggèrent ouvertement que l’heure est venue pour le big boss de dégager le plancher. D’autres, moins audacieux, et plutôt romands, préfèrent mettre tous les péchés du monde sur le dos de la section zurichoise. Comme Yvan Perrin par exemple qui, sans le blochérisme alémanique et les excès qu’il lui reproche aujourd’hui, ne serait pourtant à l’heure actuelle connu que de quelques repris de justice neuchâtelois.

Bon, la rébellion n’ira sans doute pas jusqu’au meurtre du père. Non pas par un sursaut de gratitude, mais pour une raison beaucoup plus forte et terre à terre, révélée par Oskar Freysinger, sur l’impulsivité duquel on peut toujours compter pour vendre la mèche: «C’est Blocher qui a le fric!»

Enfin, Pierre-François Veillon estime «pathétique» que les dissidents UDC aient besoin de quelqu’un comme lui pour exister. Difficile, là, de lui donner tort.