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La démocratie directe face à la crapule

L’initiative de l’UDC réclamant l’expulsion «des étrangers criminels» montre les limites d’un système où valeurs locales et valeurs universelles entrent en collision.

«Des crapules.» C’est ce que le conseiller national UDC Yvan Perrin dit des jeunes délinquants d’origine étrangère. Des crapules qu’il convient évidemment de renvoyer fissa dans leur pays d’origine. Pas seulement les jeunes en réalité, la crapulerie, comme on sait, n’ayant pas d’âge mais plutôt un passeport, généralement sans croix blanche. La nouvelle initiative de l’UDC exige ainsi, simplement, «le renvoi des étrangers criminels» autrement dit auteurs d’infractions allant du meurtre au viol en passant par le brigandage, l’effraction et, plus grave encore aux yeux des blochériens, «la perception abusive de prestations sociales».

Tant pis si cette mesure, comme le signale le constitutionaliste bernois Jörg Paul Müller, contrevient au droit international, violant le principe de non refoulement qui veut qu’un Etat ne renvoie pas un étranger vers un pays où sa vie serait en danger. Tant pis si, en France, le trublion d’extrême-gauche Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, avait mis fin à cette pratique inique de la double peine — condamnation puis expulsion. Tant pis si, sans qu’il soit besoin de réintroduire l’expulsion dans le code pénal, existe déjà l’expulsion administrative qui permet de refouler immédiatement un résident étranger supposé mettre en danger la sécurité publique ou les intérêts nationaux. Tant pis en effet, puisque — c’est toujours l’inspecteur Perrin qui parle — «l’expulsion de ces crapules ne doit être examinée qu’en fonction de la gravité des actes commis et non de la durée de leur séjour en Suisse».

Cela pose pourtant le problème des limites de la démocratie directe. Un parti politique est-il vraiment fondé à mettre en votation des propositions qui violent divers traités internationaux dûment ratifiés par la Suisse? Un autre constitutionnaliste, genevois cette fois, Andreas Auer, le dit tout net: «Les Etats contemporains fussent-ils des démocraties directes, ne sont plus souverains en matière de droits de l’homme.» C’est précisément ce qui agace les tenants d’un village suisse barricadé dans ses particularismes désuets, coupé du monde et des valeurs universelles, pas si nombreuses que cela et consacrées par le droit international dans leurs versions minimales.

C’est sans doute par méfiance envers cet arbitraire des valeurs locales que la commission des institutions politiques (CIP) du Conseil national, vient de porter un méchant coup à un autre principe défendu par l’UDC et toutes les composantes de la droite dure: les naturalisations par les urnes. La CIP estime que seules les assemblées communales, et non plus directement le peuple, puissent se prononcer sur l’octroi du passeport à croix blanche.

En revendiquant leur droit à s’asseoir sur les traités et les valeurs universelles au nom de l’indépendance nationale, en se gobergeant de leurs particularismes politiques et de leurs exceptions culturelles et morales, les nationalistes suisses purs et durs se placent exactement dans la même optique, utilisent le même genre d’arguments qu’ailleurs les tenants, par exemple, de l’excision ou de la lapidation des femmes adultères. Au nom de la différence comprise comme une supériorité de droit divin que plus personne n’est fondé à contester.