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Lutte contre le réchauffement: ça flambe sous la coupole

Quand les parlementaires fédéraux empoignent un dossier de cette ampleur, ils révèlent, vite et cruellement, les limites du discours et de l’action politique. Résumé commenté.

En ces jours là, un peu d’air polaire arctique (à moins 40) stagnait obstinément au-dessus de la Suisse. Tandis que de violentes rafales de neige et de vent glacé saluaient l’arrivée officielle du printemps, en bas, tout en bas, sous une coupole dite fédérale, un conseil appelé lui national débattait du réchauffement climatique et des moyens d’y remédier.

Une discussion décidée il est vrai en plein mois de décembre, alors que les températures s’avéraient quasi caniculaires. Et puis il y avait 77 interpellations parlementaires qui s’étaient accumulées sur le sujet, preuve que le réchauffement, en plus de faire fondre les banquises, enflamme les esprits.

Quarante orateurs se sont donc succédés. Pour une époustouflante démonstration des limites de l’action et du discours politiques. Même les Verts en conviennent, par leur présidente Ruth Genner: «Aucune solution pour l’heure, hormis bavardage et traitement de symptômes.»

On ne le lui fait pas dire. Il y a eu d’abord les pipelettes sceptiques de l’UDC insinuant, tel Jean-François Rime, qu’on leur avait déjà fait le coup, il y a 20 ans, avec une mort des forêts qui n’est jamais venue. Il y a eu les nouveaux enthousiastes de la cause verte, les PDC, promettant du sang et des larmes ou plutôt, des «interdiction et des obligations », les incitations ne suffisant pas pour dissuader le citoyen quidam de continuer à produire comme si de rien n’était, son petit monceau personnel de Co2, plutôt 4×4 qu’une.

Les radicaux, eux, toujours aussi sereinement confiant dans la riche nature humaine, plaidèrent pour «la responsabilité individuelle », affirmant par ailleurs que seul davantage de croissance, donc de richesses, pouvait dégager les moyens financiers nécessaire à la lutte contre le réchauffement. Si l’on suit bien ce raisonnement, pour lutter efficacement contre la pollution, une seule solution: polluer plus.

Gauche et droite, dans la foulée, se sont envoyé à la figure centrales nucléaires et centrales à gaz, les propositions ont déferlé (favorisation fiscale des automobiles propres, norme de réduction de la production moyenne de CO2 des véhicules, standards Minergie dans le bâtiment, taxe incitative sur les énergies fossiles, labels énergétiques pour les voitures, imposition d’appareils électroménagers économes etc.)

La plupart de ces idées ont été rejetées, à la demande du Conseil fédéral, parce qu’à peu près toutes étaient déjà contenues dans le plan d’action que le gouvernement présentera en fin d’année. Un plan qui s’annonce plutôt musclé et douloureux, avec notamment une «fiscalité écologiste», à coups de «taxes incitatives».

Autrement dit, punir les pollueurs par l’impôt. Moritz Leuenberger en a d’ailleurs profité pour taquiner gentiment les beaux parleurs: «C’est à ce moment-là que l’on verra à quel point vous prenez la politique climatique au sérieux».

Le vilain soupçon que voilà: les ténors de la politique ne se donnent-ils pas régulièrement en exemple dans la presse, vantant leur comportement citoyen et écologiquement correct?

Le président du PDC Christophe Darbellay roule peut-être en 4X4, mais attention, la bête carbure au colza. Martine Brunschwig Graf trie ses déchets, Didier Burkhalter s’éclaire à l’ampoule économique, l’inspecteur Perrin se chauffe au bois de cheminée, Joseph Zisyadis n’achète jamais de tomates hors saison.

Ces exemples venus d’en haut, ces preuves par l’acte, ne semblent pas avoir plus d’effets sur le bon peuple que les discours moralisateurs prononcés par les mêmes dans les travées du National.

Il y a par exemple un secteur où la Suisse fait figure de très mauvais élève: les véhicules individuels qui produisent en moyenne 190 grammes de CO2 par kilomètres contre un score européen de 164, avec, depuis 1990, une augmentation des émissions de 8%.

C’est l’Office fédéral de l’environnement qui le dit, qualifiant au passage ces statistiques de «catastrophiques». Bref, les automobilistes suisses, têtes baissées et les cheveux au vent, roulent en sens inverse du protocole de Kyoto.

Mais il faut être indulgent avec eux: veulent-ils équiper leur moteur diesel d’un filtre à particule, on leur appRend que certes, ils dégageront ainsi moins de particules fines, mais d’avantage de CO2, le filtre ayant pour effet d’augmenter la consommation de carburant.

On retrouve donc le fameux axiome radical (pour polluer moins, polluons plus!) et la promesse encore de bien beaux débats, au chaud, sous la Coupole.