Le thème des jeunes malfrats souvent d’origine étrangère se révèle des plus porteurs. En voiture donc, à la traîne d’une UDC qui dicte désormais l’agenda politique.
Seebach, Rhäzüns, Steffisburg: ces paisibles bourgades forment désormais, entre Grisons, Zurich et Berne, le triangle infernal de la campagne électorale 2007.
Les partis politiques se sont emparés des viols qui y ont été perpétrés sur des fillettes ou des adolescentes par des jeunes majoritairement d’origine étrangère, plutôt balkanique et spécialement kosovare.
L’UDC, bien sûr, se tient en première ligne, les autres galopant derrière, comme pour n’en pas perdre une miette, ne pas être en retard d’une mesure populaire, acclamée entre le Café des sports et la Place de la gare. La violence juvénile, mâtinée d’une forte connotation migratoire, se mue donc gentiment en fantasme collectif prioritaire, qui a même poussé les quatre formations gouvernementales à mettre ce dossier à l’agenda des leurs traditionnels entretiens de Watteville.
Des entretiens que Blocher n’a pas attendus pour dégainer un catalogue de mesures croquignolettes: flics dans les cours d’école, expulsion non seulement des jeunes malfrats d’origine étrangère, mais aussi de leurs familles, renforcement du dispositif judiciaire, etc.
Sans parler de cette idée en vogue depuis plusieurs mois au sein de l’UDC: la nationalité à l’essai, avec possibilité de retirer aux fraîchement naturalisés qui se seraient mal conduits leur nouveau et pimpant sésame rouge et blanc.
Le PDC, même le gentil PDC, semble intéressé par ce filon: l’un de ses conseillers nationaux, le saint gallois Thomas Müller, propose, pour les statistiques de la violence et de l’aide sociale, que l’on comptabilise dans une catégorie à part les naturalisés depuis moins de cinq ans. Müller a reçu le soutien de son président Christophe Darbellay, au motif «qu’il ne sert à rien de nier la réalité», un Darbellay qui avait pourtant inauguré son mandat par de bruyantes fanfaronnades anti-Blocher.
On voit bien que, dans la tête des politiques, ce qu’il ne sert à rien de nier, c’est surtout le fait que les mesures musclées soient très bien accueillies dans la population, comme l’expulsion de six jeunes délinquants d’origine étrangère par le canton de Saint-Gall.
Ainsi, à la question de savoir si de telles expulsions se justifiaient, les lecteurs du quotidien 24 heures ont répondu oui, sèchement, à 91 %. Avec des arguments parfois inattendus: «Nous avons déjà les voyous d’origine suisse, c’est suffisant».
Les responsables des polices cantonales, à l’heure d’annoncer leurs statistiques annuelles, sont aussi prompts à se pendre à la sonnette d’alarme. Tant pis si parfois, leurs chiffres se voient contredits par ceux des tribunaux pour mineurs: celui de Zurich certifie une baisse de la délinquance juvénile de 2,9% tandis que la police tout aussi zurichoise affiche, elle, une augmentation de 3,3%.
Tant pis si la ville de Monthey et les autorités valaisannes, après l’agression d’une jeune-fille et quelques bastons entre kosovars et jeunes encartés UDC, convoquent la presse pour expliquer que tout cela est bien exagéré: une quinzaine de trouble-fêtes dans une cité de 15’000 habitants.
Tant pis, enfin, si l’ancien juge des mineurs, aujourd’hui directeur de l’Institut international des droits de l’enfant, Jean Zermatten, explique, dans Le Temps, que les partis politiques ont attendu les atroces faits divers de Seebach, Rhäzüns et Steffisburg pour découvrir la délinquance juvénile étrangère, répondant, pendant des années, aux professionnels sur le terrain qui réclamaient une véritable politique d’intégration: «Occupez-vous de vos affaires».
Quitte à glisser dans la surenchère, et pour leur filer un généreux coup de mains, on signalera aux candidats de tout bord battant déjà la campagne que la délinquance juvénile d’origine étrangère n’est pas la seule à augmenter dangereusement.
Les criminologues pointent, parmi «les grandes tendances» du moment, une hausse significative de la délinquance d’origine… féminine. On ne saurait donc trop conseiller aux états-majors des partis de faire figurer, dans leurs plateformes électorales, quelques mesures particulièrement senties et ciblées.
Pourquoi pas, pour les multirécidivistes en jupons, le retrait d’un droit de vote acquis finalement il n’y a pas si longtemps?
