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A propos des affaires russes en Ukraine et en Géorgie

Après une vigoureuse reprise en main du côté de Kiev, l’équipe de Poutine renforce son contrôle en Géorgie. La pression monte de jour en jour. Explications.

On le sait, le président Poutine est un homme d’ordre. Par sa formation, il a même, ainsi que je l’ai signalé dans une précédente chronique, appris à être méthodique. Un officier des services de renseignements fantasque ou primesautier n’aurait eu aucun avenir professionnel. Or le colonel Poutine a fait une très belle carrière.

Il a, au cours des deux dernières années, soigneusement ramené l’ordre soviétique au sein de l’immense fédération de Russie. Depuis quelques mois, il est en train de balayer devant la porte de son empire. De secouer en quelques sortes les paillassons où il aime à s’essuyer les bottes.

Le grand jeu a commencé avec l’Ukraine, un Etat qui n’est pas précisément un confetti (50 millions d’habitants, 600’000 km2 !), où la diplomatie et les services russes ont balayé en un tournemain l’essentiel des acquis de la Révolution orange de l’hiver 2004.

Mercredi 4 octobre dernier, le parti du président Viktor Iouchtchenko annonçait qu’il passait dans l’opposition et retirait ses ministres du gouvernement du pro-russe Viktor Ianoukovitch. C’est la prise en compte d’un échec cinglant du gouvernement d’union entre pro-russes et pro-occidentaux. Et une grande victoire pour Moscou dont le protégé — moqué et ridiculisé dans les rues de Kiev il y a moins de deux ans — reste seul au pouvoir, Iouchtchenko étant complètement isolé.

Dans le cas de l’Ukraine, Poutine n’a pas eu besoin de brandir des menaces militaires. Il n’a fait que se servir de l’arme énergétique, coupant en hiver dernier l’approvisionnement en gaz et en pétrole. Puis, il a peaufiné la reprise en main en jouant sur Ianoukovitch et le puissant lobby industriel de l’Ukraine orientale forcément favorable à une entente avec Moscou car profondément imbriqué dans le système russe depuis l’époque soviétique.

Mais les Russes ont de même pris quelques précautions à l’ouest de l’Ukraine en laissant la république fantoche de Transnistrie, région séparatiste pro-russe de Moldavie, organiser à la mi-septembre un référendum sur son rattachement à la Fédération de Russie. La majorité acceptante a bien sûr été «soviétique»: le «oui» à la Russie l’a emporté avec 97,1 % des suffrages pour un taux de participation de 77,63 %.

La Transnistrie a pour les Russes une double fonction: elle permet de discrets mais importants trafics, notamment en armement, et, surtout, elle abrite toujours la 14e armée russe qui permettrait en cas de nécessité de prendre l’Ukraine à revers.

C’est un peu le même cas de figure que l’on retrouve dans la crise géorgienne, mais dans un contexte politique très différent. Moscou y entretient à bout de bras deux petites républiques dissidentes, l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud, chevaux de Troie d’une présence russe dans le sud du Caucase. Les Ossètes ont d’ailleurs annoncé la tenue le 12 novembre d’un référendum sur leur indépendance.

Présente dans la région depuis trois siècles, Moscou ne veut pas lâcher prise. Il en va du contrôle crucial d’une région où se rencontrent trois grandes civilisations, l’iranienne, la turque et la russe. Dans ce contexte, la crise actuelle est à prendre au sérieux: Poutine ne fera en aucun cas marche arrière, pas plus qu’il n’acceptera une présence de l’OTAN dans la région.

Cité par Courrier International un éditorialiste russe considère qu’après «l’évacuation démonstrative des diplomates russes de Tbilissi, le rappel de l’ambassadeur de Russie en Géorgie, l’arrêt des attributions de visas russes à des Géorgiens, la menace de déportation massive de citoyens géorgiens de Russie, les manœuvres de la Flotte de la mer Noire, puis l’interruption de toute communication avec un Etat hostile, il ne reste plus que la guerre».

On n’en est pas encore là, mais la pression monte de jour en jour. A tel point que l’on peut se demander si, maintenant que l’affaire tchétchène est pratiquement réglée par anéantissement de ces malheureux Caucasiens dans l’indifférence générale, le président Poutine qui va (lui ou la marionnette qui lui servira de paravent) bientôt entrer en campagne électorale n’est pas en train de choisir un nouvel abcès de fixation pour occuper ses médias et séduire ses électeurs.