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Les Non-Alignés en rang d’oignon

Qu’est-ce qui unit la Corée du Nord et l’Arabie saoudite? Quel est le lien secret entre la Biélorussie et le Zimbabwe? Réponse à La Havane ce week-end.

Une cinquantaine de chefs d’Etats, autant de gouvernements, quelques bataillons de ministres, diplomates, experts, interprètes, journalistes… La Havane est censée résonner ces jours-ci de la plainte des mécontents de la planète. Les Non-Alignés tiennent en effet leur sommet quadriennal.

La belle affaire! Sur quoi refusent-ils de s’aligner? J’ai retourné la question sous tous les angles possibles et n’ai pas trouvé de réponse. Je pense même qu’ils ne le savent plus eux-mêmes.

Le plus ancien représentant de ce non-alignement n’est autre que Fidel Castro, le cacochyme potentat cubain, qui, bien que prétendument non-aligné depuis toujours, n’a tout de même eu qu’une hâte une fois arrivé au pouvoir en cette lointaine année 1959. Celle de s’aligner sur l’Union soviétique de manière si sectaire que le brave Che Guevara fut contraint d’aller se désaligner au Congo, puis en Bolivie. Au péril de sa vie.

A part la soif du pouvoir, je n’arrive pas à comprendre ce qui peut unir le Biélorusse Loukachenko, le Zimbabwéen Mugabe et le Nord-Coréen Kim Jong-il. De même, j’ai de la peine à voir en l’Arabie Saoudite, l’Etat esclave des compagnies pétrolière anglo-saxonne et du Pentagone réunis, un pays non aligné.

De plus, si j’observe la carte, je n’arrive pas à comprendre pourquoi en Amérique latine, les Etats de la côte pacifique sont en bloc chez les non-alignés, alors que ceux de la côte atlantique, peu dissemblables des précédents dans leur fonctionnement politique, refusent de ne pas s’aligner!

Trêve de galéjade! Chacun a compris que du temps (au milieu des années 1950) de ses pères fondateurs, les Nehru, Nasser, Tito, Sukarno, le non-alignement avait non seulement un sens, mais représentait pour beaucoup la seule planche de salut entre les impérialismes fort agressifs des Américains et des Soviétiques.

A l’époque, la simple remise en cause de traités bilatéraux ou la suppression de crédits ou d’aides techniques pouvaient plonger un Etat émergent dans la plus noire des misères. Les Chinois l’ont appris à leurs dépens pour avoir tenu la dragée haute aux Soviétiques.

Avec la disparition du monde bipolaire, le non-alignement a perdu sa raison d’être. Les réunions sommets convoqués par cette organisation n’ont d’autre but que de faire bénéficier des bureaucrates de rangs plus ou moins élevés de facilités somptuaires indignes des populations miséreuses qu’ils représentent.

Mais, diront les défenseurs de ces joutes diplomatiques, il est toujours bon d’avoir des contacts multilatéraux, de rencontrer des amis plus ou moins éloignés, etc. C’est oublier les innombrables organisations régionales, continentales ou planétaires qui permettent de faire fructifier de tels contacts.

En réalité, il en va des organisations internationales comme des textes de lois ou des structures administratives. Elles ont vocation à se superposer, à s’empiler les unes sur les autres, à proliférer aux grés des modes ou des tendances de l’époque. Sans jamais détruire ce qui est dépassé.

A l’époque de la fondation du mouvement des non-alignés, l’ONU était paralysée par la division du monde en deux camps antagonistes. Les veto des uns ou des autres empêchaient les tiers d’avoir droit à la parole. Ils se sont arrangés pour contourner ce blocage.

Si les présidents attendus à La Havane les 15 et 16 septembre ont réellement le souci de leurs administrés, il ne leur reste qu’une chose à faire: proclamer la dissolution de leur mouvement et se donner rendez-vous à la prochaine assemblée générale de l’ONU.