Les positions des top models divergent face à la retouche numérique. Il y a celles qui l’exigent, celles qui l’apprécient, celles qui en rient. Et, depuis peu, celle qui n’en veut plus.
Modifier une photo qui viendra documenter un article sur la guerre au Liban, c’est de la tromperie. En ajoutant des colonnes de fumée sur Beyrouth, le photographe libanais Adnan Hajj a choqué la planète entière.
L’agence Reuters qui l’employait l’a immédiatement congédié et présenté ses excuses, en assurant faire preuve «d’une tolérance zéro pour toute image retouchée».
En revanche, blanchir des dents, supprimer des rides, amincir des tailles, bomber de fesses, affiner des chevilles ou ajouter des cheveux est devenu le pain quotidien des photographes qui travaillent pour les magazines mode ou people. La marée d’images retouchées qu’ils produisent ne choque personne.
Que de femmes en admiration devant ces silhouettes «idéales»… Résultat, elles dépriment face à leur miroir, en oubliant qu’elles se comparent à de l’irréel, au travail d’un ordinateur.
Nos yeux, habitués au rafistolage cosmétique omniprésent, s’écarquillent lorsque, faute de moyens suffisants, des photos sont publiées sans retouche. Ainsi les pages suisses encartées dans le magazine «Elle»: tout soudain, voici des visages avec quelques rougeurs, des cheveux pas toujours impeccables, des grammes de cellulite bien visibles. Que ça fait drôle d’être confronté à des imperfections!
L’hebdomadaire parisien se faisait une fierté, l’an passé, de ne pas tomber dans le jeunisme ambiant. La preuve: il s’autorisait une couverture avec le visage d’une sexagénaire. Catherine Deneuve en l’occurrence, sans la moindre marque du temps sur sa peau…
Moins icône, plus nature, la comédienne Sandrine Bonnaire admettait dans une interview éprouver un certain malaise à ne pas toujours se reconnaître en feuilletant des reportages la concernant. Elizabeth Hurley s’est, elle, amusée en se découvrant sur la couverture de «Cosmopolitan» avec une poitrine à laquelle on avait ajouté quinze bons centimètres: «Ce n’est pas moi avec ces seins massifs!»
Le top modèle américain Tyra Banks ne plaisante pas avec de telles pratiques. En interdisant que l’on retouche ses photos, elle se pose en pionnière du «don’t touch me up». Elle adressera prochainement aux magazines la première demande de ne pas faire usage de «supercherie numérique» lors d’une émission télé qu’elle anime, «America’s Next Top Model».
«A l’avenir, les images de moi me représenteront réellement, dit-elle. Au début, je trouvais amusant que l’on me retouche, jusqu’à ce que je réalise que c’est du mensonge. Je n’en veux plus. Place au naturel!». Une attitude pas vraiment téméraire quand on sait qu’en 2005, la belle Californienne était le quatrième top modèle le mieux payé au monde après Gisele Bundchen, Heidi Klum et Kate Moss.
A trente deux ans, alors qu’elle commence à se faner, Tyra Banks est en train de développer son propre empire médiatique et peut se permettre de cracher dans la soupe qui l’a nourrie jusqu’ici. Pas sûr que Naomi Campbell, sa rivale de toujours, vienne soutenir son combat.
Après le recours aux bistouris et au Botox, les manœuvres de la souris et de Photoshop viennent donner l’ultime coup de baguette magique à des femmes qui vivent en Cendrillon. En venant sonner minuit, Tyra Banks ne met-elle pas fin à un conte de fée?
