CULTURE

Solo Dos, le succès romand par le rap latino

Les frères Vega, rappers dominicains et montreusiens, ont déjà vendu 10’000 exemplaires de leur album «Barrio Story» sur le marché suisse. Portrait.

Bachata, hip-hop, merengue et rap hispanophone: le groupe montreusien Solo Dos a trouvé le bon mélange pour s’imposer comme la révélation suisse de l’année.

Chez Universal Music, le distributeur, on se félicite de la rapidité du succès: près de 10’000 albums («Barrio Story») ont été écoulées en moins de trois mois sur le seul marché suisse. Soit déjà la moitié des ventes de Stress, la star du hip-hop helvétique.

Solo Dos, ce sont deux frères de 27 et 32 ans, Thony et Isaias Vega, originaires de la République dominicaine et domiciliés à Montreux depuis 15 ans. Ils viennent de la rue, là où les conflits de voisinage se règlent au couteau. C’est cette rue qu’ils rappent, cette rue «où c’est si difficile de s’en sortir». Cette rue qu’ils ressentent, qui les fait vibrer, qui les fait créer.

Leur premier album raconte leur histoire. Grâce aux rythmes latino intégrés dans le hip-hop, leurs riffs font danser un public éclectique. En tournée dans le pays depuis le mois dernier, ils aimantent les fans de rap (et des «ados hystériques», disent-ils) devant la scène.

Car Isaias et Thony ont un look de tombeurs. «Mais nous voulons faire attention de ne pas passer pour le nouveau boys’ band de l’année, expliquent-ils. Nous devons rester «roots», on ne veut pas faire une musique qui va juste pour les vacances en Italie.»

Les deux frères savent rester humbles. «On n’a rien inventé, dit Thony. Nous avons seulement trouvé notre façon de faire de la musique et je suis heureux que ça touche.»

Loin de vouloir changer le monde, Solo Dos raconte des histoires qui ont marqué le quartier dans lequel ils ont grandi. Comme celle de Dolorès, également titre de leur single sorti en 2003, la Dominicaine qui se rend en Europe pour danser et se trouve finalement contrainte à vendre son corps.

Dans la lignée des groupes Orishas et Aventura, ils composent les mélodies et écrivent les textes. Ils confient les arrangements à l’artiste capverdien Nelson de Sousa. L’un des frères, Isaias, assure également l’identité visuelle du groupe.

Arrivés en Suisse en 1991, les frères Vega n’ont jamais perdu l’espoir de vivre de leur musique. Déjà petit, Isaias chantait alors que Thony dansait. Ils ont toujours su subvenir à leurs besoins, en tant que graphiste ou vendeur, tout en cultivant leur talent en autodidactes.

Après avoir créé le groupe de rap francophone Double Pact, ils fondent Prime Essence avec d’autres musiciens. Le premier album, «Universal», ne connaît pas le succès escompté mais permet aux deux frères d’attirer l’attention, en 2002, de la compagnie du même nom. Ils signent un contrat avec Universal Switzerland, dont le directeur, Jean-Marie Fontana, coproduira «Barrio Story». C’est à ce moment-là que Solo Dos est véritablement né.

Les ventes de l’album ne rapportent pas encore de bénéfices à ses créateurs, d’autant que les frères Vega se sont construit leur propre studio d’enregistrement, par souci d’indépendance. Avant d’entamer une tournée internationale, Solo Dos travaille sur son clip et son prochain album. Qui devrait faire la part belle à la rue, celle à côté de chez nous, en Suisse, où se croisent flics et adolescents cocaïnomanes.