KAPITAL

Un business pulpeux grâce aux rondeurs

Julie Exertier a créé sa propre marque de vêtements tailles larges pour femmes branchées. Un marché de niche qui marche.

«Les filles en ont marre des discours stigmatisants, dictant ce qu’il faut être et ce qu’il faut porter», dit Julie Exertier. C’est pourquoi elle a lancé à Genève en 2003 sa propre gamme de vêtements pour les jeunes femmes rondes et branchées, cialis pill number.

Les tailles 44 et plus sont compatibles avec un look pulpeux, sexy et trendy. C’est en tout cas l’avis et le but de l’entrepreneuse, dont les vêtements allant du 42 au 52 sont arrivés sur le marché en 2004, peu après les publicités des cosmétiques Dove vantant les mérites des femmes rondes.

Vendue principalement par correspondance, par le biais de catalogues et d’internet, la marque a eu quelques difficultés à trouver sa place. «L’année dernière, je n’ai vendu que le 10% de ce que j’attendais», confie Julie Exertier. Avec un chiffre d’affaires de 400’000 francs prévu pour 2005, la jeune femme de 27 ans commence pourtant à récolter les fruits de son initia-tive, grâce au bouche-à-oreille qui s’est développé depuis que les chaînes Schild et Quelle ont inclu sa collection dans leurs catalogues respectifs.

La Chambérienne d’origine ne travaille désormais plus à perte. Avoir une vitrine sur le web plutôt que pignon sur rue s’avère avantageux, puisqu’elle ne dépense que 750 francs par mois pour le site. Pour les habits, elle utilise des matériaux simples comme le coton et le polyester, ce qui permet également de limiter les coûts. Julie Exertier n’a pas installé son entreprise en Suisse par hasard: «Les charges sociales sont beaucoup moins importantes qu’en France, mes salariés me coûtent donc 30% moins cher».

Pourtant, c’est en France que Julie Exertier vend le 80% de ses pièces, grâce à ses contacts parisiens, ainsi qu’à un écho positif dans plusieurs publications, dont le quotidien Libération. Viennent ensuite la Belgique, la Suisse, l’Allemagne, le Luxembourg, l’Espagne et l’Italie. «Et nous venons de commencer à proposer un service de livraison vers les Etats-Unis et le Canada», précise-t-elle.

En attaquant le marché des vêtements XL à prix abordables (55 francs pièce en moyenne), Julie Exertier ne s’expose pas à une forte concurrence. En Suisse, la collection Big is Beautiful de H&M est parmi les rares qui savent également attirer les jeunes à petits prix.

Car la communauté des rondes est un marché de niche, que peu de marques convoitent. Julie Exertier a travaillé dans le marketing pour des chaînes telles que Morgan, Etam et Tally Weijl. «A chaque fois que je voulais proposer des modèles de grande taille, cela m’a été refusé, sous prétexte de faible rentabilité, indique la Française, qui adore le shopping. En soutenant que les rondes ne s’intéressent pas à la mode et n’aiment pas faire les boutiques, les fabricants ne tentent même pas de créer la demande. Alors que 40% des femmes font plus de 44 en France (ce qui équivaut à un 42 en Suisse, ndlr), leur raisonnement est complètement incohérent.»

Julie Exertier, a donc réalisé son rêve d’entrepreneuse. Avec un fonds de roulement de 150’000 francs, elle est aidée par son père domicilié à Genève. Elle est aujourd’hui seule à la tête de son entreprise avec un directeur financier à 25%, une assistante et deux consultants pour le marketing et la logistique. Julie Exertier passe la plupart de son temps à prévoir les envies de ses clientes, élaborer des modèles et négocier les coûts de production de 300 pièces par modèle.

Elle travaille en collaboration avec différentes usines, classées par spécialité. La production des robes et des jupes coupées dans le biais se fait en Tunisie et les jeans en Chine. «Ils apportent une valeur ajoutée esthétique aux jeans à faible coût, ce que je n’arrive pas à obtenir en Europe», justifie la jeune femme. Pour les vêtements «basiques», Julie lance des appels d’offres.

Le concept de Julie Exertier fait écho à l’augmentation de la proportion de personnes dont le poids est excessif. Aujourd’hui en Suisse, selon les derniers chiffres de l’Office fédéral de la statistique, près de 30% des femmes sont en surcharge pondérale contre 22% en 1992. De plus, Julie s’est lancée dans son affaire à un moment charnière de l’histoire sociologique de la femme. Celle qui a compris qu’il vaut mieux «faire envie que pitié» estime que les rondes jouis- sent peu à peu d’un nouveau regard porté sur elles par la société: « Avant, il fallait être mince pour exister. Aujourd’hui, la presse féminine commence à nous apprendre à nous accepter lorsque nous ne le sommes pas.»

Internet a également contribué à décomplexer les femmes. Les sites et communautés de rondes sont en pleine expansion. C’est la raison pour laquelle Julie Exertier mise beaucoup sur son propre site, où ses clientes peuvent exprimer leurs envies.

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Une version de cet article est parue dans L’Hebdo du 4 août 2005.