LATITUDES

Le néo-féminisme des «Chiennes de garde»

«Adresser une insulte sexiste à une femme publique, c’est insulter toutes les femmes»: tel est le crédo des Chiennes de garde, mouvement néo-féministe qui vient de voler au secours de Laure Adler.

Chiennes de garde: c’est l’appellation narquoise qu’elles ont choisie pour mener leur guerilla médiatique. Objectif: dénoncer sans relâche les injures sexistes faites aux femmes publiques. «Toute femme qui s’expose, qui s’affirme, qui s’affiche, court le risque d’être traitée de pute. Si elle réussit, elle est souvent suspectée d’avoir couché», écrivent-elles dans leur manifeste, publié hier par Libération et reproduit cialis multiple attempts per dose par Largeur.com.

Les «Chiennes» signataires de ce texte (471 femmes, 48 hommes et 8 associations) s’engagent à alerter les médias à chaque fois qu’une femme publique fera l’objet d’injures sexistes. Pour leur première opération de commando, elles ont volé au secours de Laure Adler, directrice de la radio publique France Cultures (dont le nom s’écrit au pluriel depuis peu).

Déjà contestée dans sa fonction de directrice, Laure Adler a eu le culot de réduire massivement le temps d’antenne alloué aux fictions radiophoniques. Sa décision a déclenché une riposte musclée des syndicats, riposte adressée non pas à la directrice Laure Adler, mais à la femme Laure Adler.

Le 1er septembre, la section locale de Force ouvrière (FO) distribuait dans la Maison ronde un tract où l’on pouvait lire ceci: «Collectionnez-vous [les chaussures] comme Madame Marcos pour mieux piétiner la fiction? Vous n’êtes pas Madame de Pompadour, même si vous avez bénéficié de la même résidence. Vous avez écrit un ouvrage sur les maisons closes. A vous lire, ces entreprises étaient bien gérées. Inspirez-vous en! Et prenez garde, madame la directrice, de ne pas coincer vos talons aiguilles dans votre grille de programmes.»

Les Chiennes de garde n’ont pas tardé à réagir. Elles ont officiellement demandé au patron du syndicat, Marc Blondel, de désavouer la section FO-Radio France et de lancer un programme anti-sexiste au sein de l’organisation. Dans la foulée, le responsable de FO-audiovisuel remettait, en son nom et en celui du syndicat, une lettre d’excuses à Laure Adler. La directrice a alors déclaré que si cette lettre n’était pas rendue publique, elle se réservait le droit de poursuivre l’organisation en justice pour injures et diffamation.

Laure Adler sait qu’elle peut compter sur le soutien sans faille des Chiennes de garde, dont le manifeste a été signé par les journalistes Claude Sarraute et Michèle Cotta, la chanteuse Caroline Loeb («C’est la ouate»), les écrivains Marie Darrieussecq, Régine Deforges, Amélie Nothomb, Cavanna, André Comte-Sponville, Régis Debray, Pascal Bruckner, Gilles Perrault mais aussi Isabelle Autissier, Noël Mamère, Yvette Roudy, Gonzage Saint-Bris et des dizaines d’autres.

Le mot «chienne», avec sa connotation vulgaire et franchement sexuelle, a été choisi à dessein par les activistes. Cette forme de provocation verbale s’inspire de certains mouvements radicaux américains (Riot Grrrls, Guerilla Girls) qui ont longtemps été critiqués en Europe pour leur intransigeance. L’une de leurs méthodes consiste à récupérer l’insulte pour en faire une arme de combat, à l’instar des rappeuses affranchies qui se revendiquent «bitches» (littéralement: chiennes, salopes).

Au delà de la provocation, l’appellation «Chiennes de garde» fait directement référence au livre de Serge Halimi, «Les nouveaux chiens de garde» (éd. Liber-Raisons d’agir, 1997), qui dénonçait les compromissions de certaines stars des médias français face au pouvoir politique et économique. Ce titre était lui-même inspiré des «Chiens de garde», ouvrage de Paul Nizan paru en 1932 dont cette phrase est extraite: «Nous n’accepterons pas éternellement que le respect accordé au masque des philosophes ne soit finalement profitable qu’au pouvoir des banquiers.»