CULTURE

Sylvie Fleury, sa constellation et ses ovnis

Qui sont ses pairs, ses proches, ses maîtres et ses amis? La plus célèbre des artistes genevois se dévoile au travers de ses connexions.

«Yes to all». Sylvie Fleury, l’une des plasticiennes suisses les plus célèbres du moment, incarne tous les paradoxes. Talons aiguilles et «peace and love» à la fois, elle essaie tout, dit oui à tout et le fait avec le cœur.

La richesse de ses activités lui permet de fréquenter des personnalités en tous genres: musiciens, éditeurs, mais aussi stylistes et pilotes de courses… Elle nous a parlé d’eux et des ses connexions diverses.

Portrait de l’artiste au travers de son réseau.

Connexions intimes

Villa Magica

La Villa Magica, dans laquelle elle vit depuis 14 ans, appartenait jadis au Professeur Magicus, puis à sa fille Magiquette. Adolph Blind, de son vrai nom, prestidigitateur et inventeur de nombreux tours de magie au tournant du XXème siècle, disait de la prestidigitation: «Elle est l’art de s’amuser en amusant les autres.» Une devise que Sylvie Fleury prend volontiers à son compte.

Stéphane et John Armleder

Après avoir ouvert la galerie c/o à Genève avec Mac Tarruc et Michel Rochat dans les années 80, Sylvie Fleury a travaillé avec John Armleder, artiste genevois de renommée internationale qui a le plus influencé son travail. Ensemble et avec l’aide de Stéphane, le fils de John, ils ont créé le label Villa Magica Records (VMR) en 2003, consacré essentiellement à l’édition d’albums de musique de Noël, sorte de mimétisme amusé de l’industrie du disque.

La chromothérapie et les auras

Portée également par les différentes techniques de relaxation, Sylvie Fleury pratique le watsu (technique de shiatsu dans l’eau chaude), la méditation cosmique, ainsi que la chromothérapie, bains de lumières colorées: «J’ai ainsi réalisé une exposition avec l’aide du chromothérapeute genevois Pierre van Obberghen. Durant la visite, les visiteurs recevaient un traitement de lumière colorée.»

La Genevoise travaille également sur l’aura et les énergies à travers son art. Elle vient de recevoir les chaussures du Dalaï Lama afin d’en photographier l’aura pour une exposition collective en faveur du Tibet.

Les artistes

«Outre John Armleder, je me sens proche également de certaines artistes femmes du XXe siècle, notamment Elaine Sturtevant, une plasticienne qui a introduit la notion d’appropriation en simulant les œuvres d’autres artistes, essentiellement masculins», dit Sylvie Fleury, qui emprunte des méthodes propres à Andy Warhol, Marcel Duchamp, Piet Mondrian, Carl Andre ou Jeff Koons, dans une stratégie où la féminité est un débat déclaré. La compression d’automobiles (César), oui, mais couleur vernis à ongles…

Connexions locales

Le découvreur

C’est l’artiste neuchâtelois de réputation internationale Olivier Mosset qui a lancé Sylvie Fleury, un jour en 1989, un peu par hasard. Il montait une exposition collective avec son meilleur ami John Armleder. Une personne s’étant désistée, Sylvie l’a remplacée au pied levé, avec une installation de shopping-bags titrée «C’est la vie», qui a véritablement fait décoller sa carrière.

La rivale

En terme de notoriété, certains voient en Pipilotti Rist la rivale de Sylvie Fleury. «Mais la rivalité est une énergie négative qui n’est pas productive, c’est même une idée stupide. Pipilotti est une artiste admirable, qui est en plus une amie. On pourrait s’attendre à des commentaires plus généreux d’un milieu qui potentiellement est plus ouvert que tout autre.»

Les exposants

A Genève, Pierre Huber est le galeriste attitré de Sylvie Fleury, qui a travaillé également avec Christian Bernard et Katya Garcia Anton, directeurs respectifs du Mamco et du Centre d’art contemporain de Genève. «Mais ce ne sont pas les seuls à faire un travail admirable pour la ville. Genève a vraiment une scène très dynamique», estime-t-elle.

Pierre Keller

Le directeur de l’Ecole cantonale d’art de Lausanne est un ami de longue date de Sylvie Fleury, qui donne régulièrement des workshops à l’Ecal. «Pour ma part je n’ai pas fréquenté en tant qu’étudiante les écoles d’art. Je peux ainsi me rattraper, et comme on ne finit jamais d’apprendre…»

Barbara Polla

Sylvie a de l’estime pour l’ancienne députée libérale genevoise à la tête de la galerie Analix: «Barbara Polla est quelqu’un qui a une énergie magnifique et qui se donne à fond dans ce qu’elle fait avec une réelle générosité. Comme Pierre Keller, elle ne cherche ni le compromis, ni à être politiquement correcte, et j’apprécie cela dans un pays qui n’incite pas à cette attitude. Je ne partage sans doute pas toutes ses idées politiques… mais me réjouis de photographier son aura.»

Connexions globales

Les musiciens

Sylvie Fleury compte parmi ses amis Jean-Michel Jarre, avec qui elle aimerait collaborer sur un projet de «Relaxation extrême», Genesis P.Orridge de Psychic TV ou Stephan Eicher, à qui Villa Magica Records vient de demander un air de Noël.

Dans le cadre de ce label, la Genevoise a réalisé de nombreux projets avec le DJ et plasticien genevois DJSid et fait également appel à des musiciens suisses et internationaux tels que Kid Rolex, Steven Parrino, Chicks On Speed, en leur donnant carte blanche.

Les galeristes

Sylvie Fleury expose chez Eva Presenhuber, à Zurich. «J’ai aussi travaillé avec Heike Munder, du Migros Museum für Gegenwartskunst. Certains de mes travaux se trouvent dans leur collection, depuis l’exposition personnelle que j’y ai faite en 1998.»

L’artiste est liée à des galeristes dans le monde entier comme Philomene Magers, à Munich et Londres, Mehdi Chouakri, à Berlin et Junko Shimada, au Japon.

Thaddaeus Ropac est son galeriste parisien. Elle a présenté chez lui jusqu’en mai dernier ses œuvres les plus récentes: des champignons géants sur fond de peintures murales psychédéliques. Cette exposition Yes to All témoigne par ailleurs du succès populaire et commercial que l’artiste remporte encore aujourd’hui.

Les éditeurs

Christophe Cherix du Cabinet des Estampes de Genève et Lionel Bovier, l’historien de l’art qui dirige aujourd’hui la maison d’édition zurichoise JRP Ringier, comptent parmi les proches de Sylvie Fleury.

Lionel a notamment édité «The future has a silver lining, genealogies of glamour» en collaboration avec le Migros Museum, dans lequel figure le travail de la Genevoise. Dans ce même cercle figure aussi la maison d’édition genevoise collective d’artistes Hard Hat. Parkett, la revue d’art zurichoise dirigée par Jacqueline Burckhardt et Bice Curiger, a aussi produit une édition à la suite d’un numéro comportant une partie monographique sur l’artiste.

Les collaborateurs

Sylvie Fleury a commencé sa carrière à New York, où elle fut l’assistante du photographe Richard Avedon. Parmi les personnalités internationales habituées à collaborer aujourd’hui avec Sylvie Fleury, on compte l’artiste canadienne Angela Bulloch et l’autrichien Erwin Wurm, qui a une façon humoristique de décontextualiser les objets qui résonne naturellement dans l’œuvre de la Genevoise. Elle a également exposé récemment avec H.R. Giger au Kunstraum de Lucerne.

Connexions glamour

Michel Comte

Le photographe des stars est un ami de Sylvie Fleury. Le Zurichois a eu recours à elle pour une publicité horlogère pour Milus, par exemple.

Laurent Mercier

La plasticienne a beaucoup d’affinités avec le grand couturier suisse, ancienne drag queen et ex-directeur artistique de Balmain, Laurent Mercier. Le glamour est leur credo commun.

Mika Hakkinen

Grande admiratrice du champion de Formule 1, Sylvie a «customisé» sa combinaison de pilote en robe longue, une sorte d’ «hommage féministe», la Formule 1 ne comptant pas de femmes pilotes.

Les voitures

L’artiste possède trois voitures: une Chevrolet Caprice Classique 89, une Buick Skylark de 67 et une Porche de 93. Elle a fondé un club de voitures, pour l’heure exclusivement féminin: les «She Devils on Wheels» et fait également partie de deux clubs genevois: «The Cheaters» et «The Crazy Cruisers».

L’amour que Sylvie porte aux véhicules se reflète également dans son art, notamment dans les ovnis ou les fusées lipstick qu’elle a exposés, ainsi que dans les moteurs moulés en bronze. Elle vient par ailleurs de monter une installation vidéo projetée dans le parking souterrain du nouveau centre Mercedes-Benz à Paris.

Les talons aiguilles

Le penchant de Sylvie pour le yoga et les disciplines Feng Shui ne l’empêche pas de porter des talons aiguilles. Ils sont devenus sa griffe et parfois son instrument ou son outil de prédilection, marquant son passage dans sa vie quotidienne, et signant ses œuvres avec élégance.

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Une version de cet article est parue dans le magazine L’Hebdo.

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