LATITUDES

La télé sans la redevance

Ils veulent choisir leur film plutôt que se sentir dépendants des programmes. Et préfèrent une toile collective au zapping solitaire. Ce sont les sans-télé, mais pas sans-écran.

«Avec un DVD, on sait au moins pourquoi et combien de temps on reste devant son écran.» Gabriel Tramaux, opticien à Neuchâtel, est entré dans la tribu minoritaire des sans-télé. Mais pas des sans-écran. Car, comme de plus en plus de cinéphiles, il a fait le choix du home cinema.

«Régulièrement, des clients nous achètent des projecteurs pour remplacer la télévision», constate Olivier, vendeur à la Fnac de Rive à Genève. Une tendance qui explique aussi le succès des ventes des dispositifs de projection.

«L’achat de ces appareils augmente, poursuit le spécialiste. Ce qui est encouragé par des prix plus accessibles: pour 1’000 francs, on peut désormais acquérir un engin de très bonne qualité.» Les kits Home Cinema connaissent également un réel succès. Pour quelque 500 francs, le client peut se procurer cinq haut-parleurs, un caisson, un amplificateur et un lecteur DVD.

Le choix de se passer de télévision s’accompagne également d’avantages économiques, puisqu’il dispense l’usager de payer la redevance. «Si vous possédez un DVD avec un écran télé ou un projecteur, et que la réception des programmes de télévision n’est pas possible techniquement, il n’y a pas d’obligation de déclarer les appareils», détaille Jonny Kopp, porte-parole de Billag, l’organe chargé de percevoir la redevance télé. «Car ce n’est pas le téléviseur qui doit être déclaré, mais la possibilité de recevoir des programmes par une antenne ou le réseau câblé.»

Il suffit donc de faire plomber son raccordement au câble pour économiser les 280 francs annuels de redevance TV.

Noëlle Corboz, documentaliste vaudoise d’une trentaine d’années, a fait ce choix. «La télévision est un objet laid, encombrant, au contenu aliénant, lénifiant et soporifique», dit-elle.

Pour son ami, Daniel Galasso, graphiste genevois, les motivations sont différentes. «Dans ma famille, le poste était toujours allumé, et je regardais beaucoup la télévision, même en travaillant, confie-t-il. Un jour, j’ai dit stop. Aujourd’hui elle ne me manque pas, mais quand je la regarde, elle me happe, c’est comme une addiction, je n’arrive pas à l’éteindre.»

Ce couple anti-TV n’a pas renoncé pour autant à l’audiovisuel: ils ont équipé leur appartement d’un écran déroulant sur le mur et d’un projecteur accroché au plafond. Le son provient des enceintes de hi-fi qu’ils possédaient déjà. «La projection de DVD devient un rituel. On ferme les stores, on déroule l’écran, on s’installe confortablement, c’est vraiment agréable», raconte Noëlle.

Pour Sibylle Dawance, de Cologny, mère d’un garçon de 10 ans et d’une fille de 4 ans, le choix du Home Cinema au lieu de la télévision est aussi bénéfique pour les enfants: «Nous leur choisissons des DVD de reportages ou de dessins animés. Et ils évitent de regarder des débilités!»

Enfin, la dimension sociable du cinéma à domicile tranche avec la solitude du zappeur. «Avec le Home Cinema, on organise des projections comme un événement: on a du plaisir à inviter des amis pour partager un film», raconte Daniel Galasso. Et maintenant que l’été est là, le dernier hit est d’inviter tous ses amis pour des projections en plein air avec nourriture et boissons à profusion…

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Une version de cet article est parue dans L’Hebdo du 30 juin 2005.