Vous n’avez pas encore organisé de vacances estivales? Essayez le «tourisme expérimental»… Un antidote parfait aux voyages organisés.
Courir le risque de tomber sur mes voisins au Machu Pichu ou à Katmandu: quel cauchemar! Pour l’éviter, j’opterai cet été pour une expédition au K2, sans oxygène, sans sherpas et sans bluff.
Bien que moins haut que l’Everest, le K2, avec ses 8611 mètres, est «la personnification géologique de l’angoisse». Dans «La folie du K2», Charlie Buffet, journaliste à Libération puis au Monde, décrit les ascensions des purs et des fous que cette monstrueuse montagne attire. Un alpinisme à la limite de la raison.
C’est au sortir de cette lecture vertigineuse que le hasard m’a fait découvrir «Latourex», une agence de voyage proposant précisément une «expédition au K2». Comment résister à la tentation d’une aventure de cette taille, d’autant plus que son prix n’est pas dissuasif: c’est gratuit, et en prime, j’ai la garantie de ne pas souffrir de l’altitude même sans bonbonne à oxygène.
Latourex, pour LAboratoire de TOurisme Expérimental, a son siège à Strasbourg. Joël Henry l’a fondé en 1990 et présente ainsi son concept: «Cet organisme scientifique non gouvernemental (OSNG) étudie les mécanisme fondamentaux de l’activité humaine connue sous le nom de «Tourisme» et s’attache à découvrir de nouvelles façons d’aller voir ailleurs.»
Parcourir le catalogue alphabétique de «Latourex», d’aerotourisme à zygotourisme, constitue déjà un merveilleux voyage imaginaire. On y rencontre les fantômes de Sophie Calle, Paul Auster, Xavier de Maistre, Queneau ou Guy Debord ainsi que des références aux principes dada et surréalistes.
C’est là, parmi ces offres folles, que mon vieux rêve d’aventure himalayenne m’a soudain paru à portée de semelles. Dans le cadre de cette nouvelle philosophie du «voyage expérimental» une expédition au K2 consiste à explorer méthodiquement la portion enclos dans le carré «K2» d’un plan de ville, et de profiter au mieux des ressources culturelles, gastronomiques et estaminologiques qu’il recèle.
Après cette «expé» en solo, je pense enchaîner avec de l’«erotourisme», un périple à vue de nez plus éprouvant que l’expédition au K2. Il s’agit en effet d’inviter son amoureux à venir passer le même week-end dans la même ville étrangère que vous, mais sans lui fixer de rendez-vous. S’y rendre chacun de son côté, par des moyens de transports différents. Se chercher dans la ville sans user d’un téléphone…
De retour, je donnerai encore un petit côté beatnik à mes vacances en parcourant «la route 66» (prononcer sixtisixe). Pas question d’aller polluer la planète de Chicago à Los Angeles, je me baladerai le long d’une ligne de bus, de métro ou de tram qui porte ce numéro.
Enfin, une thalasso expérimentale devrait me permettre, détendue, de remettre pied dans la réalité à la rentrée. Prétextant une panne de chaudière ou une coupure d’eau, je me ferai inviter à prendre un bain chez différents amis. J’aurai pris soin d’emporter avec moi l’attirail du parfait curiste: savon, shampoing, livre, serviette, peignoir, jeu d’échecs flottant, walkman étanche, algues, Martini…
——-
Lonely Planet a consacré son dernier guide au tourisme expérimental
