LATITUDES

Les politiciens ont aussi des corps

Hier, personne n’osait évoquer leurs maladies. Aujourd’hui, ils parlent eux-mêmes de leurs performances physiques et sexuelles. Est-ce grave, docteur?

Le corps des hommes politiques nous intéresse de plus en plus. Leur état de santé, tout d’abord. Sommes-nous gouvernés par des malades?

Dans leur ouvrage paru en 1977, Pierre Rentchnick et Pierre Accoce parvenaient à susciter l’inquiétude en démontrant que Roosevelt, Franco, Mao, Kennedy, Khrouchtchev, Hitler, Brejnev, Churchill, Nixon, Staline, Nasser (et bien d’autres leaders politiques) n’avaient pas toujours été en état de gouverner. Mais les peuples n’en avaient rien su.

Est-ce trop demander, dans une démocratie, que de connaître l’état de santé de ceux qui président à la destinée de la planète? Après le calvaire de Pompidou partagé par des Français supposés tout ignorer du cancer de leur président, François Mitterrand inaugurait, en 1981, l’ère des bulletins de santé officiels.

Il s’engageait à faire publier tous les six mois un bulletin par son médecin personnel. Son objectif: convaincre les citoyens de l’absence de maladie de leur président. Dissimulation mensongère, faux du docteur Gubler, on connaît la suite… N’empêche, la pratique s’est installée.

Puis, non contents d’afficher des bulletins de bien portants, les hommes politiques ont voulu exposer leur bonne santé. Les voici adeptes d’activités sportives tendance. Les campagnes électorales dopant leur courage, ils bravent leurs craintes et se lancent alors dans de véritables exploits.

Intéressant, l’exemple d’un Joschka Fischer dont la cote de popularité suit le mouvement inverse de l’aiguille de sa balance. Ayant abandonné le marathon, pris une nouvelle épouse et des kilos, le ministre allemand est actuellement en mauvaise posture et la Bild Zeitung continue à consacrer sa Une au tour de taille du ministre. De son côté, Berlusconi n’a pas caché longtemps qu’il était venu au Tessin pour un lifting et des implants capillaires.

En Suisse, une étude, première du genre, s’est intéressée à l’évolution du poids des conseillers nationaux. Ils prennent en moyenne deux kilos par année. Pas étonnant que, d’une élection à l’autre, on les découvre bien épaissis. Oskar Freysinger tient à se situer parmi les exceptions et n’a pas hésité à se dénuder devant l’objectif du photographe du «Magazin» du Tages Anzeiger pour exhiber son corps d’athlète.

On se souvient du Matin, qui relatait sur deux pages l’inquiétude des municipaux lausannois relative au surpoids du syndic de Lausanne Daniel Brélaz (160 kilos pour 1,90 m).

Car on sait désormais qu’en politique comme ailleurs, mieux vaut être beau et bien portant que moche et malade. Ainsi, pour «donner une nouvelle impulsion» à son gouvernement, Jacques Chirac a remplacé son Raffarin, courbé et gros, par l’élancé, charmeur et beau Dominique de Villepin.

Jouir d’une réputation de séducteur ne pose pas de problème en France, comme l’a incroyablement démontré Mitterrand avec sa double vie prolongée et ses nombreuses amantes. L’image du coureur de jupon reste porteuse, bien plus que celle de cocu, comme l’a expérimenté récemment Sarkozy.

Mais, une fois encore, c’est en Californie qu’a été franchi le pas suivant: celui des performances sexuelles. Répondant aux attaques de Mary Carey, star du X et candidate comme lui à la gouvernance du grand Etat de l’Ouest, Arnold Schwarzenegger s’est défendu d’être un «homme mou». «J’ai baisé des blondes, des brunes, des rousses, des Noires, des Asiatiques, des Latines, des Arabes, des Amérindiennes, des grosses, des petites, des vieilles et des jeunes, même des naines et des paraplégiques», aurait affirmé l’ex-culturiste selon la star du porno.

Pour se maintenir à Downing Street, Tony Blair n’a pas hésité à poser torse nu et à s’enorgueillir de prouesses du même genre. «Alors, êtes-vous en forme, Tony?», demande Arthur Edwards, le photographe du Sun au candidat travailliste. C’est son épouse Cherie qui répond: «Très!».

Arthur Edwards: «Quoi, cinq fois par nuit?»

Tony Blair: «Au moins. Je peux le faire. Plus si je suis en forme.»

Résultat:dans la presse, celui que l’on appelait le «caniche de Bush» est devenu «Mr Five Times A Night» (Monsieur cinq fois par nuit!).

Demeuré plus pudique jusqu’ici, le président américain n’a pas su empêcher la fuite de photos de son ennemi Sadam Hussein en slip. Humiliation ici ou exhibition là, le corps du pouvoir ne laisse personne indifférent.