LATITUDES

Clic, mon coeur fait boum

Chercher l’âme soeur sur l’internet n’est plus un tabou. Le phénomène touche désormais tous les âges et les milieux en Suisse romande. Relations durables ou aventures, les sites répondent à toutes les envies. Enquête sur ces nouvelles moeurs amoureuses.

«La première fois que je me suis inscrite sur un site de rencontres, c’était parce que je savais que mon ex y était. J’espérais qu’il tombe sur mon profil et me contacte. Je voulais me venger. Depuis, je me suis prise au jeu.» Luna, infirmière au CHUV, 25 ans, a commencé ainsi, il y a deux ans, à utiliser internet pour trouver l’amour. Elle poursuit, de sa voix douce: «En Suisse, c’est difficile de rencontrer de nouvelles personnes. Dans mon milieu professionnel, il y a surtout des filles et comme je n’aime pas les boîtes de nuit, trop agressives et impersonnelles, je préfère le net.»

Comme 70’000 Suisses (et 32’000 Romands), Luna a posté son profil sur cialis france online, le numéro un du marché. En deux ans, sous son pseudo «Jessietaluna», elle a tissé des multitudes de liens, pour la plupart uniquement virtuels.


Luna, 25 ans, de Lausanne, cherche l’amour on line.
Photo Chamartin/Rezo

«Avec six garçons, je suis allée jusqu’à la rencontre, et avec deux d’entre eux j’ai entretenu des relations durables, dont l’une d’un peu plus d’un an. Maintenant, je me suis de nouveau séparée, et j’épluche occasionnellement des profils à la recherche de l’âme soeur.»

En quelques années, le phénomène des rencontres on line a pris une ampleur énorme. Qui ne connaît aujourd’hui dans son entourage quelqu’un qui cherche – ou qui a trouvé – l’amour dans l’infosphère? «Le tabou est tombé: les gens qui pratiquent le net sentimental l’avouent désormais beaucoup plus volontiers», constate le sociologue Pascal Lardellier (lire ici son interview). C’est aussi que le phénomène touche une population beaucoup plus large, en matière de classe d’âge et de milieu socioprofessionnel.»

Utilisateur de longue date, Daniel a suivi cette évolution: «Il y a cinq ans, on trouvait une immense majorité d’hommes, genre informaticiens timides, qui se battaient pour quelques gamines boutonneuses. Aujourd’hui, toute la société est représentée.» Dont lui: banquier genevois trentenaire élancé, regard clair façon Karl-du-Bachelor, costards griffés et cabrio deux places.

«Internet vient en appoint, pas pour remplacer la drague traditionnelle en boîte ou ailleurs, dit-il, pragmatique. J’ai fait d’excellentes expériences on line, et des moins bonnes, comme dans la vie réelle.» Daniel passe rapidement à l’action: «Par périodes, quand j’ai envie de nouvelles rencontres, je relance mon profil, parfois je change de site. Au début, les échanges par e-mail duraient plusieurs semaines, maintenant je passe rapidement à la rencontre, pour éviter les déceptions et la perte de temps.»

Très organisé, Daniel garde pour chaque candidate un répertoire sur son ordinateur avec l’ensemble des courriers échangés et les photos. «Je potasse mon dossier avant le rendez-vous, pour ne pas confondre les nanas: c’est pas classe si tu prends la fille pour une autre, tu passes pour un consommateur. Il faut lui donner une sensation d’unicité, la flatter encore plus que dans une rencontre traditionnelle, pour compenser le côté impersonnel du réseau. Et lui dire très gentiment le lendemain si le feeling ne vient pas.»

Une mécanique masculine rodée à laquelle les femmes ne sont pas toujours préparées. Après une vingtaine de rencontres infructueuses en trois mois sur Meetic.ch et Swissfriends, l’auteure genevoise Catherine Chuard a écrit une pièce de théâtre sur le sujet. «La rencontre dans le monde réel donne quelque chose de très cru, presque violent, analyse-t-elle. D’autant qu’on enjolive souvent les choses dans les e-mails. Là, tout se décide en cinq minutes. La déception que l’on peut ressentir ou lire dans le regard de l’autre est terrible, elle renforce encore le sentiment de solitude du célibataire.»

Mais les belles histoires existent, bien sûr, et elles compensent toutes les autres. Ariane Chabloz-Anglada, comédienne de 42 ans, à Vevey: «En tant que mère célibataire, j’avais du mal à faire des rencontres et je me suis inscrite sur PartnerWinner.ch. J’ai sélectionné Christian parce qu’il avait profité des questions stupides du profil (genre, “Où préférez-vous faire l’amour?”) pour dire de belles choses sur lui. Après trois semaines d’échange de mails, je lui ai donné rendez-vous au café de la gare de Lausanne: le coup de foudre! C’était il y a trois ans. Depuis, on s’est mariés et nous venons d’avoir un enfant. Pour moi qui déteste les ordinateurs, c’est un beau clin d’oeil de la vie!»


Ariane, 42 ans, a rencontré son mari Christian sur le web.
Photo Chamartin/Rezo

C’est aussi une femme qui a fait le premier pas sur Meetic en cliquant sur le profil de Flavio Sofia, 33 ans, gestionnaire des ressources à la Poste de Lausanne: «Rita vivait à Marseille. Du clavier, on est rapidement passé au téléphone: on se parlait deux à trois heures par jour, avant de se retrouver en Suisse.»


Flavio Sofia, 33 ans, et sa compagne Rita, 22 ans,
se sont connus l’an dernier sur Meetic.

Le numéro un mondial (et européen), Match.com, annonce 200 mariages par mois par son intermédiaire, et Swissfriends, leader du marché suisse, ne compte plus les faire-part depuis son lancement en 1999. «Une histoire d’amour réussie, c’est la meilleure publicité pour nous car elle génère un bouche à oreille considérable», raconte Robert Palm, fondateur de Swissfriends. Et s’il y a mariage, la marque sera à coup sûr évoquée au micro pendant la soirée, réalisant un «product-placement» à faire fantasmer n’importe quel publicitaire.

Le secteur se porte à merveille: le crash de la nouvelle économie n’a pas freiné la croissance des sites de rencontre, y compris en Suisse: «Notre chiffre d’affaires a doublé chaque année pour dépasser le million de francs en 2004, se réjouit Robert Palm, qui a fondé Swissfriends en 1999. Nos coûts restent stables car l’effectif n’a pas besoin d’augmenter: nous conservons 2,5 postes de travail. Nous attendons une forte progression cette année, surtout sur le marché alémanique: une sorte de plafond est atteint pour nous en Suisse romande avec 32’000 membres.»

Swissfriends vient d’ailleurs d’étendre son service sur les téléphones mobiles pour permettre les recherches à tout moment. «Avec 1’000 inscriptions le premier jour, le succès a dépassé toutes nos attentes.»

Par définition, la clientèle des célibataires est volatile: la durée moyenne d’une inscription est de trois à six mois, après quoi, soit l’internaute a trouvé quelqu’un, soit il se décourage.

Univers formaté

Dopés par un marché en forte croissance, les sites se professionnalisent, se multiplient, et surtout grandissent. Devant l’immense quantité de l’offre, la sensation de «supermarché de la rencontre» s’en trouve renforcée. Comment trouver l’amour de sa vie parmi un million de profils? Quels critères utiliser pour sélectionner? La génération Google a l’habitude des recherches en ligne: quelques mots clés et l’on obtient ce que l’on cherche. «L’internaute se construit l’image idéale de l’autre et utilise la technologie pour le trouver, constate Federico Casalegno, chercheur en sciences sociales au Media Lab du Massachusetts Institute of Technology. Le phénomène va prendre de plus en plus d’ampleur, que ce soit pour des rencontres érotiques, amicales, communautaires ou amoureuses.»

La recherche informatisée laisse cependant peu de place à la fantaisie. Pire, elle renforce les clichés et formate drastiquement l’univers: en une commande, une femme peut sélectionner les Sagittaires non fumeurs habitant Genève, catholiques, de plus de 1m80 et moins de 80 kg, de profession libérale, aimant le vélo, le cinéma et la voile. «Si elle n’aime pas les motards, elle supprimera d’emblée le profil d’un candidat qui possède une moto. Alors que dans le monde réel, le même homme mentionnerait sa moto comme une activité marginale et lui conviendrait peut-être très bien», constate Pascal Lardellier.

Pour éviter ce formatage, certains internautes privilégient les forums de discussion (tchat). «La drague dans un tchat se base sur les échanges instantanés plutôt que les critères et les profils, elle ressemble donc beaucoup plus à celle du monde réel, sauf qu’on reste tranquillement chez soi au lieu de se rendre dans un bar enfumé», explique Christiane Canny, qui a rencontré son mari Jean-Luc sur le tchat de Bluewin.


Christiane Canny, d’Etoy, a rencontré son mari Jean-Luc
sur le tchat de Bluewin.

Toujours dans le but de reconstituer une forme de spontanéité, certains sites exploitent essentiellement la première impression visuelle. Ainsi, cialis street value permet de faire défiler rapidement les photos des membres de sa région. Si deux personnes se choisissent mutuellement, le contact devient possible. La formule connaît un très grand succès aux Etats-Unis.

Partant du constat que personne ne cherche quelqu’un un de petit, gros, pauvre et inculte, le candidat à la rencontre online va souvent enjoliver ses attributs. «C’est le royaume des petits mensonges, résume le sociologue Pascal Lardellier. Descriptions, âge et mensurations fausses, photos truquées ou d’une autre époque, tous les moyens sont bons.»

Cette distorsion de la réalité physique s’oppose cependant à la sincérité plus grande des échanges que permet l’anonymat. «Devant un ordinateur, de nombreux usagers se dévoilent beaucoup plus facilement que dans la vie, dit le chercheur Federico Casalegno. Loin d’isoler ou d’uniformiser l’individu, l’informatique aide ainsi à développer une socialité plus sincère.» Faiblesses, difficultés sociales et professionnelles, envies, fantasmes, certains couples n’échangeraient jamais autant dans la vie s’ils n’avaient précédemment connu le dialogue en ligne.

Si l’on parle volontiers de village global, les relations lointaines restent très minoritaires. «Après quelques essais sur des gigantesques plateformes, l’internaute finit par privilégier les rencontres proches, en différenciant les régions, les cantons, les villes, dit Robert Palm, patron de Swissfriends. C’est notre grande force par rapport aux groupes internationaux: nous sommes nés en Suisse et nous en connaissons les particularités régionales et culturelles. Le rêve de l’internaute, c’est de rencontrer sa voisine de palier en tombant par hasard sur son profil.» Il paraît que c’est déjà arrivé…

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Collaboration: Sophie Balbo

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Lire l’interview du sociologue Pascal Lardelier, qui publie un livre sur les rencontres en ligne.

Lire aussi notre cialis uk cost des sites de rencontre.

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Une version de cet article est parue dans L’Hebdo du 31 mars 2005.