GLOCAL

Warren Beatty dans la course à la présidence des Etats-Unis

Le sex symbol sexagénaire veut présenter sa candidature aux présidentielles avec un programme à gauche de la gauche. Un gag? Pas forcément.

J’ai d’abord cru à une plaisanterie: l’acteur Warren Beatty, 62 ans, plus connu pour ses conquêtes féminines que pour ses talents de comédien, envisage de déposer sa candidature à la présidence des Etats-Unis. Il y pense le plus sérieusement du monde. Il pourrait courir soit sous la bannière démocrate, soit sous celle d’un parti réformiste ou en tant que candidat indépendant.

La nouvelle aurait pu resté confinée aux rubriques people des journaux: un acteur sur le retour s’imagine dans les boots de Reagan et vise la Maison Blanche pour amuser la galerie… Rien de vraiment surprenant à cela. Mais la grande presse américaine, du New York Times au LA Times, semble considérer cette candidature avec le plus grand sérieux. A y regarder de plus près, je crois que je comprends pourquoi.

Apparemment, Warren Beatty (prononcer «Betty», et non pas «Bitty») reproche au parti démocrate son positionnement centriste; il veut défendre des idées ancrées résolument à gauche et défendre les laissés-pour-compte; il considère Al Gore comme un politicien mou, institutionnel et ignorant des réalités du prolétariat; il veut combattre la société à deux vitesses; il se positionne comme le vrai défenseur des Pauvres, avec un P majuscule; il met les pieds dans le plat.

Une candidature provocatrice, à l’image de celle de Coluche aux présidentielles françaises? Pas forcément. Un sondage organisé sur internet par ABC News a placé Warren Beatty en troisième place des prétendants, avec 25% des voix, juste derrière Bill Bradley (29%) et Al Gore (45%). L’homme à qui l’on a prêté des liaisons avec deux générations de sex symbols, de Brigitte Bardot à Madonna, n’est donc pas considéré, du moins par les internautes, comme un guignol de la politique.

Warren Beatty rêve de devenir président des Etats-Unis depuis sa plus tendre enfance, qu’il a passée dans la banlieue de Washington. Il s’est toujours intéressé à la politique en général et au parti démocrate en particulier. En 1972, il soutenait la candidature de George McGovern en assumant avec une certaine ironie son statut d’«artiste capricieux souhaitant acquérir une réputation sérieuse en participant aux affaires publiques» (dixit Beatty). En 1988, il défendait la candidature démocrate de Gary Hart.

Bien entouré, Warren Beatty pourrait trouver sa place parmi les candidats sérieux. Il a déjà consulté les conseillers de Jesse Jackson et certains éditorialistes défendent son «ticket», sans rire.

A l’heure où le couple Clinton marche sur les plates-bandes des stars hollywoodiennes et où des comédiens comme John Travolta («Primary Colors») ou Michael Douglas («The American President») se plaisent à interprèter le rôle de locataire de la Maison Blanche, la candidature populiste de Beatty aura au moins le mérite de relancer le débat sur la politique-spectacle. Et si le sex symbol sexagénaire réussit à orienter le débat américain un peu plus vers la gauche, il aura réussi son coup.

En attendant l’ouverture officielle de la campagne, les électeurs pourront toujours louer la vidéo du film «Bulworth», écrit, réalisé et interprété par Warren Beatty en 1998: l’histoire d’un idéaliste qui se lance dans la politique à l’américaine. Le problème, c’est que le film est vraiment très mauvais.