Avec son timbre en épicéa, la Poste suisse a fait parler d’elle dans le monde entier. Une opération écolo-commerciale plutôt futée.
«Dans sa structure même, chaque timbre ainsi réalisé est unique et devient une oeuvre d’art. C’est une idée vraiment cool.» Venant de Dominic Pettman, le commentaire est particulièrement flatteur. Car Pettman travaille à New York en tant que «trend-scout» pour une agence baptisée Cscout, dont le rôle consiste à chasser et analyser les idées novatrices.
Dans son dernier rapport sur les nouveautés les plus originales du moment, Cscout a mis en bonne place le timbre en bois de la Poste suisse.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette idée a fait parler d’elle. «On cherchait un moyen d’attirer l’attention des médias. Au niveau international, l’opération a dépassé toutes les espérances, constate François Tissot-Daguette, porte-parole de la Poste.
Le timbre en bois a fait la une de Die Zeit en Allemagne, et la chaîne nationale ZDF y a consacré un long sujet.» On a pu lire des articles en France, aux Etats-Unis ou au Canada. «Pourtant, nous n’étions pas les premiers: Djibouti avait sorti un timbre en bois il y a quelques années. Nous avions fait un timbre en broderie, et un dont l’encre sentait le chocolat. Le bois met en avant la protection de l’environnement, un thème porteur.»
Le caractère écologique de l’opération lui a permis de bénéficier de l’appui de l’Office fédéral de l’environnement. Ecologique car dans notre pays, le bois disponible reste sous-exploité. Chaque Suisse utilise chaque année 1 m3 de bois. Il faudrait doubler cette consommation pour couvrir ce que produisent les forêts suisses annuellement. Les épicéas utilisés pour la fabrication du timbre (de 120 ans d’âge environ) proviennent des communes de Seon et de Staufen, en Argovie.
Le timbre en bois est en vente depuis quelques jours dans les offices postaux. D’une épaisseur de 0.7 mm, il a été dessiné par l’artiste Thomas Rathgeb.
Produire un timbre en bois est bien sûr beaucoup plus coûteux que le papier et, sur sa valeur de 5 francs, la marge de la Poste sera fortement réduite. «Mais nous savons que les nombreux collectionneurs ne l’utiliseront jamais pour le transport de courrier, relativise le porte-parole. C’est aussi une promotion pour l’usage des lettres, en perte de vitesse.»
Pour la première fois dans l’histoire de la Poste suisse, le volume du courrier a baissé l’an dernier et la tendance ne fera que s’accentuer dans les années qui viennent. Selon les estimations de la régie, d’ici à 2010, le volume global des envois baissera encore de 16%. Responsables: l’e-mail, mais aussi la rationalisation des envois dans les entreprises, sans oublier l’usage des SMS, «qui a fait plonger le volume des cartes postales». La Poste touche du bois.