Le marketing olfactif mobilise le pouvoir émotionnel de l’odorat. Depuis longtemps utilisé pour inciter à l’achat, les entreprises y ont désormais aussi recours pour augmenter la productivité de leurs employés.
Favoriser la concentration de ses employés grâce aux odeurs: telle est la promesse du marketing olfactif pour les entreprises. Traditionnellement utilisée dans la vente, la pratique s’étend désormais au monde du travail comme une stratégie de management afin de renforcer la productivité des équipes.
Le Japon et les États-Unis font office de pionniers en la matière. «Les notes d’agrumes en début d’après-midi se sont par exemple révélées efficaces pour redynamiser les équipes après la pause-déjeuner, période de digestion autrement lénifiante», explique Ida Kokoshari, fondatrice de Daena, une entreprise genevoise spécialisée dans le marketing olfactif depuis 2012, qui travaille notamment avec la Banque Lombard Odier, l’Hôtel des Trois Couronnes ou encore le fitness de luxe L’Usine Sports Club.
De meilleures conditions de travail
«L’olfactif en entreprise sert d’amorce pour améliorer le bien-être des collaborateurs», dit Lionel Linder, qui a fondé Aromwave en 2019 à Lausanne. Il s’intéresse notamment aux bienfaits des parfums pour les espaces de bureau. Avec ses huit collaborateurs, l’entreprise vend ses produits principalement en Suisse romande, auprès de banques, de PME ou encore de marques horlogères. «Nous sommes généralement contactés par les services RH, qui visent à optimiser les conditions de travail dans leur entreprise. Ces efforts permettent d’augmenter la productivité en renforçant la satisfaction des employés.»
En Suisse, la diffusion de parfum dans les locaux est autorisée tant que la fragrance ne contient aucune substance dangereuse pour la santé, selon les recommandations de l’association Sécurité au travail en Suisse. Aromwave développe des parfums mais aussi une gamme d’aromathérapie à base d’huiles essentielles. «Chaque plante a des vertus particulières. Nous créons des fragrances personnalisées en fonction des entreprises, de leur objectif, et de la pièce en question.»
Une salle de réunion sera par exemple parfumée à la lavande calmante pour apaiser les éventuelles tensions lors de séances. Dans un open-space, où les employés sont assis dans une même pièce pendant plusieurs heures, les parfums assainissant comme l’eucalyptus, le romarin ou le sapin, seront adéquats. Les espaces de repos auront des odeurs tranquillisantes, et les espaces de direction peuvent quant à eux avoir des aspects citronnés dynamiques.
Étude et phase de test
La perception des odeurs n’est néanmoins pas la même pour tout le monde: elle diffère d’un individu à l’autre, mais aussi selon les cultures. L’étude préalable est donc extrêmement importante afin de trouver les fragrances adaptées. Les espaces de bureau partagés constituent un défi supplémentaire pour les parfumeurs puisque ce sont des lieux fermés, souvent peu aérés, où les individus sont assis à la même place pendant des heures.
«Ainsi, une fois que les besoins de l’entreprise ont été définis, nous menons une phase de test in situ. Il y a des degrés de sensibilité aux odeurs. Ce qui plaît à certains n’est pas forcément agréable pour tout le monde. Parfois, un employé ne supporte pas l’odeur, ce qui se révèle généralement rédhibitoire et stoppe la potentielle installation de diffuseurs.» En moyenne, deux tiers des entreprises qui font le test adoptent le parfum.
Différents parfums disponibles
Il en existe différents types, adaptables selon la taille des lieux à parfumer. «Les plages horaires, l’intensité, la fréquence sont adaptées en fonction de l’objectif d’ambiance», ajoute Ida Kokoshari, Une société peut par exemple vouloir une atmosphère feutrée et luxueuse, apaisante ou encore moderne. Les espaces jusqu’à 300 m2 installeront un diffuseur mural, alors que ceux s’étendant sur plusieurs étages les intégreront à leurs gaines de ventilation.
Les parfums se diffusent par micro-nébulisation, c’est-à-dire qu’ils sont dispersés en brume fine, avec des micro-gouttelettes d’eau. Pour garder une diffusion douce, Aromwave a installé des systèmes de nébulisation en différé, «c’est-à-dire que les locaux sont parfumés avant l’arrivée des employés, puis légèrement en début d’après-midi seulement».
Il faut compter 1500 francs par année pour une diffusion d’huiles essentielles dans un bureau. Le prix comprend les tests, la mise en place des diffuseurs, les recharges et la maintenance, et reste inchangé les trois ans du contrat afin de lisser les coûts d’installation.
Identité olfactive
Le marketing olfactif s’inscrit dans les méthodes dites sensorielles. Il était jusqu’à présent principalement utilisé pour amener le client à se projeter et surtout, pour améliorer la reconnaissance d’une marque. L’identité olfactive d’une entreprise permet de guider les collaborateurs vers l’état d’esprit souhaité. «Une agence de design n’aura pas la même ambiance qu’une fiduciaire, ajoute le fondateur d’Aromwave. Définir une identité unique permet de fidéliser les collaborateurs à une culture d’entreprise.»
À court terme, la mémoire enregistre 1% de ce qui est touché, 2% de ce qui est entendu, 5% de ce qui est vu, 15% de ce qui est goûté et 35% de ce qui est senti, selon une étude de l’Université américaine Rockefeller, spécialisée dans la recherche biomédicale. «Une entreprise qui a une odeur spécifique restera ainsi gravée dans la mémoire d’un employé, même des années après. Ce souvenir, à condition qu’il soit bon, peut faire de cet ancien collègue un ambassadeur à long terme de l’entreprise.»
Hausse de la demande
Ida Kokoshari constate une augmentation de la demande pour les bureaux: «Nos principaux clients travaillaient jusqu’à présent surtout dans le secteur de l’hospitalité, mais la tendance évolue.» L’entrepreneure a également constaté une hausse significative de son activité après le Covid: «Il y a quelques années, il fallait convaincre les entreprises de l’intérêt d’allouer du budget à quelque chose d’intangible, mais aujourd’hui les résultats convainquent.»
La population a pris conscience de l’intérêt des odeurs, notamment après que certains ont perdu le goût et l’odorat. Le parfum est un plaisir des sens qui apporte des émotions. Les entreprises ont voulu renouer avec ces sentiments.»
Pour Lionel Linder d’Aromwave, le marché n’en est qu’à ses débuts. «La Suisse compte un grand nombre de PME et de bureaux qui peuvent se démarquer de la concurrence et attirer des talents en créant des atmosphères de travail aux parfums agréables.»
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Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans Blick.