LATITUDES

L’Hôtel d’Angleterre, pionnier du tourisme romand

L’établissement inauguré en 1779 marque l’entrée de Lausanne dans l’ère du tourisme moderne.

Refuge de Voltaire au siècle des Lumières, la Suisse romande attire grand nombre d’intellectuels. À Lausanne, on croise des célébrités comme Madame de Staël, Mozart ou l’historien anglais Edward Gibbon qui s’y installe en 1783. «Sur leurs traces, Lausanne devient l’un des centres artistiques et littéraires de l’Arc lémanique. Les élites éclairées y font halte pour profiter de la beauté du lac et de l’émulation intellectuelle qui caractérise la ville», explique Laurent Tissot, professeur émérite de l’Université de Neuchâtel et spécialiste de l’histoire du tourisme en Suisse.

Plus vieux que les États-Unis

Pour ces premiers touristes, le plus souvent issus de l’aristocratie et de la grande bourgeoisie, le bateau devient le moyen de transport privilégié pour éviter les cahots des diligences. La ville s’adapte alors aux exigences de ces nouveaux venus qui cherchent à s’évader des ruelles escarpées du centre pour se rapprocher du lac. Peuplé de rares bateliers et pêcheurs, le hameau d’Ouchy commence sa transformation. Confiée à l’architecte Abraham Fraisse, la construction du Logis d’Ouchy – futur Hôtel d’Angleterre – débute en 1775, deux ans avant la déclaration d’indépendance américaine. Inauguré en 1779, le premier hôtel de prestige de l’Arc lémanique s’impose ensuite comme l’un des premiers grands lieux du tourisme naissant dans l’Arc alpin et le long du Léman.

Le bâtiment à la façade d’influence baroque accueille également Goethe ou Lord Byron, lequel y séjourne en 1816, presque par accident: le Britannique régatait sur le Léman quand une tempête le contraignit à se rabattre vers Lausanne. Il faut croire que Byron fut séduit par le site: c’est dans sa chambre qu’il acheva l’un de ses textes les plus célèbres, le Prisonnier de Chillon.

Autour du Logis d’Ouchy, rebaptisé Hôtel de l’Ancre en 1820 avant de prendre son nom d’Hôtel d’Angleterre en 1860, «c’est tout le sud de Lausanne qui se redessine petit à petit», souligne Laurent Tissot. En 1823, le Guillaume Tell, premier bateau à vapeur de Suisse, accoste à l’embarcadère de l’hôtel. En 1857 débute la construction des quais. Le Beau-Rivage Palace ouvre 4 ans plus tard. En 1893, le Château d’Ouchy, bâti sur les ruines d’un château du XIIe siècle dont la tour subsiste encore, vient compléter la trilogie du luxe hôtelier d’Ouchy. Lors de sa fondation la même année, l’École hôtelière de Lausanne prend ses quartiers dans l’Hôtel d’Angleterre.

Au lendemain de la Grande Guerre, l’aura de l’Hôtel d’Angleterre commence à faiblir face à ses luxueux voisins. Entièrement rénové entre 2000 et 2002 après son rachat par la Fondation de famille Sandoz (aujourd’hui aussi propriétaire du Beau-Rivage Palace et du Château d’Ouchy), il a retrouvé son éclat. De quoi fêter bientôt, en beauté, son 250e anniversaire.

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Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans The Lausanner (n° 13).