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Comment j’ai appris à retenir mes orgasmes

Des millions d’hommes souffrent d’éjaculation précoce, un problème aux origines presque toujours psychologiques, selon les spécialistes. Il existe des techniques pour en guérir, mais le meilleur remède reste la patience. Et la compréhension de soi.

Par Grégoire

Cet après-midi, je suis passé devant le jet d’eau de Genève et je l’ai trouvé obscène. Ces giclées envoyées au ciel me rappelait une période difficile de ma vie sexuelle.

Mes débuts en la matière n’ont pas été glorieux, c’est le moins que l’on puisse dire. Mon premier rapport n’a pas dû excéder 60 secondes. J’avais 18 ans. Je n’aimais pas cette Corinne, à peine plus âgée que moi, qui avait fini dans l’appartement de mes parents absents. Mais bercé de littérature pornographique depuis ma puberté, je rêvais d’être un «bel amant», comme on dit. Sans doute l’émotion, me disais-je, en espérant me perfectionner avec le temps. Mais les rapports qui ont suivi ne s’amélioraient pas: je n’arrivais jamais à me retenir. J’ai mis fin à cette relation après un peu plus d’un mois, sans avoir honoré Corinne ne serait-ce qu’une seule fois.

Avec une fille sans expérience, je pensais avoir plus de succès. J’ai donc usé de mon charme sur une adolescente de 17 ans, vierge, belle comme un coeur: Mélanie. Mais là aussi, à chaque fois, je déchargeais lamentablement à peine l’avais-je pénétrée. Les hommes qui n’ont pas connu cette sensation ne comprendront jamais à quel point elle est humiliante. Avant chaque rapport, une angoisse commence à s’installer (vais-je réussir à tenir cette fois?). La pauvre Mélanie m’aimait et ne se rendait sans doute pas compte qu’elle avait affaire à un mauvais amant. Je n’arrivais pas à lui parler de mon problème et après quelques mois, j’ai mis fin à cette histoire, pourtant magnifique sur tous les autres plans.

C’est après une troisième rencontre, avec une femme plus âgée que moi, que j’ai décidé d’empoigner sérieusement mon problème. Je lisais dans les revues médicales que «tout est dans la tête», que seuls 5% des hommes sont réellement victimes d’un dysfonctionnement mécanique qui déclenche une éjaculation trop rapide. Je n’allais quand même pas passer toute ma vie à côté du plaisir sexuel à cause d’un malaise psychologique… J’en ai parlé à Sarah, ma nouvelle compagne, qui avait eu sa dose de problèmes sexuels et se montrait heureusement patiente.

Nous avons donc décidé d’aller voir un sexologue, les deux ensemble, à l’hôpital de ma ville. Une médecin me l’avait recommandé, un Italien, disciple de ce Pasini dont j’avais lu quelques bouquins. Je passe l’ambiance dans la salle d’attente, la rencontre dans le hall avec un vieux copain qui s’est cassé la jambe («Et toi, tu viens pour quoi?»). Le toubib, charmeur et assez drôle, a commencé par répéter des choses que j’avais déjà lues: « Tout est dans la tête », etc. Il se voulait rassurant en expliquant, à coup de statistiques, que des millions d’hommes souffraient de ce problème et que la grande majorité guérissaient facilement en trois séances de thérapie de couple. Il a quand même sorti quelques discours freudiens (aurait-il seulement pu se retenir?), m’expliquant que la chaleur du vagin me procurait sans doute une sensation très forte de confort rappelant la petite enfance, ce qui me faisait perdre le contrôle de mon organe.

Il m’a aussi prescrit un «spray endormant» à appliquer sur mon organe trop sensible (sourire de la pharmacienne de mon quartier). «Cliniquement, vous n’êtes plus éjaculateur précoce si vous parvenez à enchaîner cinq va-et-vient», avait-il conclu en souriant sur le pas de porte.

Le spray aurait endormi une trompe d’éléphant. Au bout de mon pénis, malgré le désir, je ne sentais qu’une sensation froide, une peu comme après une piqûre d’anesthésie de dentiste. Mon plaisir frôlait donc le zéro absolu. Mais le pire, c’est que j’arrivais à peine à tenir plus longtemps. J’étais donc gravement atteint, même si j’avais tout juste passé le cap fatidique des cinq aller et retour dont parlait le toubib. «Cliniquement», je n’étais peut-être plus éjaculateur précoce. Pratiquement, je me sentais encore pire que ça.

En marge de mes déboires, j’étais devenu un amant extraordinaire, dans ma tête. Mes fantasmes compensaient allégrement mon incapacité. Je me disais que si j’étais un jour guéri, je deviendrais un dingue de sexe qui passe son temps à courir les filles. En fait, je me demandais si mon handicap n’était pas un signal que m’envoyait la vie pour que j’apprenne à dominer mes instincts.

J’avais lu plusieurs études scientifiques qui affirmaient que les décideurs étaient statistiquement plus souvent des éjaculateurs précoces car ils avaient compensé dans leur carrière professionnelle leur défaillance biologique. J’en prenais le chemin: mes études s’annonçaient brillantes. Mon meilleur ami me disait: «Moi, quand la baise va, je n’ai plus besoin de rien, je pourrais m’installer avec ma gonzesse dans un mas en Provence et vendre des pots en terre cuite.» Je me disais la même chose mais chez moi, la baise n’allait pas. Donc, je bossais. CQFD.

Sarah menaçait de me tromper Je n’avais pas grand chose à dire. N’aurais-je pas fait la même chose à sa place? Je suis retourné chez le sexologue pour lui expliquer que mon problème commençait à bousiller ma vie amoureuse et que ni son spray, ni les capotes extra-épaisses qu’il m’avait recommandées ne changeaient quoi que ce soit. Il m’a donné quelques combines. L’une d’elles me sert encore aujourd’hui. Elle consiste à développer toutes les zones sensorielles. L’éjaculateur précoce, encore plus que les autres hommes, concentre toute son attention et ses sensations sur son sexe. La parade consiste donc à se mettre à l’écoute des autres parties du corps. En pleine action, je devais donc me concentrer sur ce que ressentait mon dos, ma main, mon mollet ou l’arrière de mon crâne.

Les conseils du sexologue m’avaient vaguement fait progresser mais globalement, je restais un bien piètre amant et ma relation avec Sarah s’est rapidement dégradée. Elle me trompait, je le savais. Je l’ai donc quittée, un matin, comme ça, sur un coup de tête.

J’ai changé d’emploi et de ville pour avoir l’impression d’un nouveau départ. En fait, c’est une période de débauche que j’ai entamé. J’ai commencé à fréquenter des bars, à boire et à allumer des filles comme un dingue. Je n’avais pas grand chose à perdre avec les femmes, me disais-je, puisque je n’arrivais de toute façon pas à les garder avec moi. Mes déboires sexuels ne m’avaient jamais empêché de séduire, mais jusque là, je n’étais pas trop sûr de moi.

Le déclic n’est pas venu d’un coup. Mais avec mes aventures passagères, je suis devenu beaucoup plus détendu au lit. Je savais que j’allais être nul mais je ne m’en inquiétais pas: les filles que je décevais disparaissaient de ma vie presque aussitôt. Paradoxalement, malgré mon handicap, je n’ai jamais cessé d’aimer faire l’amour.

Les premières fois où j’ai réussi à retenir mon orgasme, je n’y croyais pas. J’avais cependant le triomphe modeste (il me restait beaucoup de chemin à faire…), car je pensais que c’était un accident, que je ne me maîtriserais pas longtemps.

J’ai commencé à comprendre que c’était ma façon d’aimer les femmes qui engendrait mes problèmes sexuels. Je les vénérais comme des déesses et je me réduisais à un rôle minuscule, comme si je ne méritais de toute façon pas le corps qu’elles m’offraient. «Pour bien aimer une femme, il faut être un peu égoïste et un peu macho», me disait souvent mon oncle. Il avait raison. Obsédé par l’envie de satisfaire, j’avais si peur de décevoir qu’il m’était impossible de penser à mon plaisir. Dans un interview, Jacques Brel racontait qu’à chaque fois qu’il entrait dans le lit d’une femme, il avait peur. Il souffrait sans doute du même problème que moi. A trop admirer les femmes, on en vient à mal les aimer.

Pendant quelques mois, trop content de dominer enfin mon plaisir, j’ai cumulé les aventures. Mais ce jeu m’a rapidement lassé et j’ai repris contact avec Sarah. Nos retrouvailles furent magiques: j’avais rêvé si longtemps de vivre l’harmonie sexuelle avec elle… Je l’ai épousée peu après et je suis aujourd’hui l’heureux père de deux filles.

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Grégoire, 39 ans, travaille dans une PME de la région lausannoise, en Suisse. Il s’est inscrit récemment dans un club de fitness.