tadalafil australia

Le voile se lève enfin sur «Eyes Wide Shut», le dernier Kubrick

Le célèbre critique américain Richard Schickel a vu le film le plus attendu de l’année. Son article est paru dans le magazine Time daté du 12 juillet. Il n’est pas totalement élogieux.

Comme son nom l’indique, le géant des médias Time Warner possède à la fois le magazine Time et les studios de cinéma Warner. Je n’ai donc pas été surpris de découvrir le premier article documenté sur «Eyes Wide Shut» dans l’hebdomadaire du groupe. Ce film de Stanley Kubrick, qui réunit Tom Cruise et Nicole Kidman autour d’une histoire d’obsession sexuelle, est considéré comme la plus prestigieuse production Warner de cette fin de millénaire.

La mise en chantier de ce film à 64 millions de dollars a donné lieu à des dizaines de rumeurs, des plus triviales aux plus extravagantes, toutes invérifiables: les employés de la production ont dû s’engager par écrit à rester muets. Stanley Kubrick a toujours maintenu jalousement le secret de ses films, de celui-ci plus encore que des autres.

Il n’avait pas tourné depuis dix ans quand il s’est attelé à ce long-métrage adapté d’une nouvelle de Schnitzler. Le contrat signé avec la Warner lui offrait le contrôle total. Le tournage devait durer 18 semaines, il s’est prolongé pendant quinze mois. Et à peine le film était-il terminé que Kubrick décédait, en mars dernier, de mort naturelle.

A quelques jours de la sortie américaine d’«Eyes Wide Shut», agendée pour le 16 juillet, le voile commence à se lever. La Warner vient de présenter le film à quelques journalistes choisis. Et c’est naturellement dans Time que paraissent les premières informations fiables sur ce film qui, jusqu’ici, était resté aussi opaque que le monolithe de «2001 A Space Odissey».

Les rumeurs s’évaporent, la réalité apparaît. On croyait qu’«Eyes Wide Shut» racontait les aventures de deux psychiatres, mari et femme, organisant des jeux sexuels avec leurs patients. L’article de Time nous apprend qu’en fait, Tom Cruise tient le rôle un simple médecin, et que sa femme interprète une directrice de galerie d’art retirée des affaires.

On entendait dire aussi que le film se terminait sur une scène d’orgie. On apprend aujourd’hui que c’est bien le cas. On croyait que le personnage interprété par Nicole Kidman était héroïnomane. On sait maintenant qu’elle ne fume que du haschich. Et ainsi de suite.

La nouvelle de Schnitzler se déroule dans la Vienne de la fin du XVIIIe siècle, alors que le film de Kubrick se passe à Manhattan, à la fin du XXe. L’histoire est celle d’un couple marié depuis neuf ans, William et Alice Hartford. Le magazine Time nous en dit un peu plus.

De retour d’une soirée en ville, Alice demande à son mari s’il a déjà été troublé par l’une ou l’autre de ses patientes. Dans la foulée, elle lui raconte qu’un jour, au bord de la mer, elle a été séduite par un jeune officier de la Navy. Rien de bien méchant: ils se sont juste échangé quelques regards équivoques. Mais cette simple allusion commence à hanter William…

C’est à peu près tout ce que nous apprend Time de l’intrigue d’«Eyes Wide Shut», mais l’intérêt de l’article est ailleurs. Cette dernière oeuvre est-elle vraiment aussi magistrale qu’on le dit? L’opinion du critique Richard Schickel semble mitigée. S’il est prêt à admettre que ce film sera considéré comme le dernier chef d’oeuvre de Kubrick, il ne se gêne pas d’ajouter quelques lourds bémols. Certaines scènes, selon lui, frôlent le ridicule. C’était le risque encouru par ce film qui traite non pas de sexualité, mais des résonnances mentales associées à la sexualité, écrit-il en substance.

Que Time publie le premier article documenté sur «Eyes Wide Shut», et que cet article se permette de le critiquer: c’est la bonne nouvelle de la semaine. Plutôt que d’orchestrer une campagne d’éloge par tous ses canaux, le groupe Time Warner a préféré maintenir l’indépendance de sa rédaction. C’est déjà pas mal.

——-
Marco Kalmann est journaliste. Il a vu tous les longs métrages de Stanley Kubrick, sauf «Eyes Wide Shut».

Photo ©TIME