KAPITAL

L’eau en bouteille, un marché qui s’assèche

En bouteille ou du robinet, gazeuse ou fitrée, la bataille de l’eau continue sur fond de critiques environnementales, de crise sanitaire et d’innovation technologique.

Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans PME Magazine.

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La consommation d’eau minérale ne cesse de diminuer dans les pays occidentaux où l’eau du robinet est potable. Le phénomène se mesure en Suisse: selon l’Association suisse des sources d’eaux minérales et des producteurs de soft drinks (SMS), la production nationale d’eau en bouteille a chuté de 18% entre 2007 et 2020, et la consommation de 8,5%. Les grands producteurs se retrouvent impactés, à l’instar de Nestlé Waters qui annonçait dans son rapport de 2020 une baisse de 17% de leurs ventes pour l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. Cette dynamique est en outre accentuée par les effets de la crise sanitaire puisque la majorité des ventes d’eau minérale et d’eau gazeuse provient des établissements hôteliers et de la restauration.

Succès des gourdes

Le changement des habitudes de consommation a des conséquences inattendues, comme l’essor des ventes de gourdes. «Notre marque séduit grâce à la tendance des modes de vie sains, en accord avec l’environnement», explique Monika Oppeln-Bronikowska, responsable de la communication de Sigg, entreprise basée en Thurgovie qui s’est spécialisée dans ce créneau. La marque enregistre une croissance constante des ventes de ses gourdes et rayonne grâce à ses produits au design iconique – leur modèle original étant même entré dans les collections du MoMa à New York –, et par la confiance établie dans le «swissmade».

En 2016, Sigg a été rachetée pour plus de 16 millions de francs par le chinois Haers, spécialiste des récipients alimentaires en aluminium. «L’entreprise emploie 80 personnes et vend ses produits dans plus de 40 pays.» Ses revenus pour 2021 sont estimés à environ 10 millions de francs. «En mars nous lancerons une gamme de bouteilles conçues totalement en aluminium recyclé, certifiées neutres en carbone», annonce Monika Oppeln-Bronikowska.

Les restaurants changent leurs habitudes

Pour les professionnels, l’eau minérale et gazeuse en bouteille sont à l’origine de déchets plastiques et de dépenses importantes: son coût est estimé être 100 à 300 fois plus élevé que l’eau du robinet. En outre, la production d’une bouteille plastique d’un litre neuve consomme du pétrole, du charbon, du gaz et deux litres d’eau, selon l’ONG Save 4 Planet.

De nouveaux systèmes de traitement de l’eau du robinet émergent ainsi à travers le monde, à l’instar de la start-up lausannoise de filtration et gazéification d’eau Be WTR. Leader du marché, l’israélien Sodastream a quant à lui été racheté en 2018 par le géant américain PepsiCo pour 3,2 milliards de dollars. Champion de la gazéification à domicile, l’entreprise confirmait une croissance à deux chiffres en 2020, et une part de marché évaluée à 90%.

Nordaq est brevetée est distribuée dans 52 pays, précise Johanna Mattsson, CEO. «Parmi nos clients figure notamment la chaîne hôtelière Mandarin Oriental, pour ses sites de Hong Kong et Genève.» Pour les plus grosses structures, Nordaq propose également l’embouteillage et l’encapsulage sur site à un rendement de 2000 bouteilles par heure; dans des bouteilles en verre ou en cristal réutilisables.

Le leader Nestlé Waters se prépare au changement

Nestlé Waters, numéro un mondial en termes de vente d’eau plate et gazeuse en bouteille, se prépare à cette nouvelle tendance. L’entreprise commercialise 72 marques d’eau –dont Vittel et Perrier dans le monde, et Henniez en Suisse –, et emploie plus de 30’000 personnes. «En 2021 nous avons annoncé de nouveaux efforts pour durabiliser notre production», explique Meike Schmidt, responsable communication pour la Suisse. L’entreprise a notamment annoncé une centaine de projets sur ses 48 sites, comme la restauration d’une rivière en France, ou l’installation d’infrastructures de traitement et d’approvisionnement d’eau en Égypte. «En Suisse nous nous visons une récupération de 94% de nos bouteilles et un taux de recyclage de 82%.» Pas sûr que cette adaptation des techniques de production permettent de relancer la demande.