TECHNOPHILE

IMDb, la plus grande star des Oscars

IMDb.com, le répertoire gratuit créé par Col Needham, réunit désormais tous les films de l’histoire. Retour arrière sur un succès extraordinaire.

Le monde du cinéma ne peut plus s’en passer. Après treize ans d’alimentation forcenée, cette base de données gratuite est devenue quasiment exhaustive, à en donner le vertige: l’Internet Movie Database (IMDb) réunit tous les films de l’histoire — depuis 1891 jusqu’à ceux prévus pour 2007 — et publie l’intégralité de leurs génériques sous la forme d’hyperliens.

Parmi les 1,2 million de personnes fichées, on trouve évidemment les stars de tous les pays, les techniciens les plus obscurs ainsi que quelques têtes inattendues (lire ci-dessous).

Professionnels et cinéphiles se connectent quotidiennement sur IMDb pour consulter les données, débattre et suivre en direct l’actualité du cinéma. Depuis plusieurs semaines, on y trouve toutes les informations imaginables et les pronostics concernant la cérémonie des Oscars, qui aura lieu dimanche prochain.

Mais IMDb n’est pas seulement la première encyclopédie en ligne du cinéma. C’est aussi l’une des aventures les plus passionnantes de l’internet. Son histoire se confond d’ailleurs avec celle du réseau, au point d’en épouser les paradoxes et les contradictions.

L’affaire a démarré à peu près au même moment que le web, à la fin des années 1980. «J’ai toujours été un fada de cinéma», raconte Col Needham, 35 ans, qui est à l’origine du projet. «En 1990, je tenais déjà un fichier de tous les films que j’avais vus, avec les génériques. C’est ma base de données personnelle qui a constitué le socle de IMDb.»

Le jeune informaticien de Manchester avait pris l’habitude d’envoyer ses fiches au forum électronique rec.arts.movies. D’autres cinéphiles l’ont imité, si bien qu’en 1990, ce newsgroup réunissait en pagaille les informations de près de 10 000 films.

Pour en faciliter la consultation, Col Needham a rapidement développé un logiciel permettant les recherches croisées. Des centaines d’internautes de tous les pays se sont alors spontanément joints au projet pour compléter ou corriger les fiches.

«A l’été 1993, un doctorant de l’Université de Cardiff, qui était aussi un fan de cinéma, m’a demandé la permission de mettre la base sur le serveur de son uni, poursuit Needham. J’ai accepté, et il est devenu notre webmaster jusqu’en l’an 2000.»

A l’époque, les initiateurs recevaient déjà des milliers de données par jour, qu’ils introduisaient dans le système pendant leur temps libre pour faire d’IMDb un répertoire aussi complet que possible de l’histoire du cinéma.

Mais très vite, la capacité du serveur gallois s’est avérée insuffisante. «Nous avons donc copié la base et, dès 1994, nous disposions de sites miroir sur toute la planète.» L’arrivée des premiers annonceurs a permis de transformer IMDb en société anonyme en 1995.

L’essentiel du travail est resté bénévole jusqu’à la vente de l’entreprise au pionnier du commerce en ligne, Amazon.com, en avril 1998.

Réalisée en plein boom de la nouvelle économie, cette vente a généreusement rétribué Col Needham et ses associés, tout en protégeant la philosophie initiale de l’entreprise: la base de données doit rester gratuite d’accès, non-commerciale, et doit pouvoir être téléchargée localement par les utilisateurs. Elle est financée par la publicité et sert désormais de vitrine à Amazon.com. Les pages d’IMDb disposent de liens qui permettent d’acheter DVD, livres, affiches et musiques de films.

«Mon travail n’a pas beaucoup changé depuis le rachat par Amazon», poursuit Col Needham. Je suis toujours très impliqué dans le contenu et la présentation d’IMDb. Beaucoup de passionnés de la première heure travaillent encore pour nous aujourd’hui, dont deux personnes qui viennent de Suisse.»

La base de données est alimentée depuis les bureaux de Seattle et Bristol. Un travail sans fin pour la centaine de collaborateurs d’IMDb.

«Dès le départ, notre but a été de réunir tous les films de tous les pays. Notre équipe de cinéphiles provenait du monde entier, mais nous étions loin d’imaginer l’ampleur de l’opération.

En 1990, avec 10 000 titres, nous pensions avoir réalisé la moitié du boulot. Treize ans plus tard, nous en avons répertorié 350 000.» Et ce n’est toujours pas fini.

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On trouve sur le site IMDb.com quantité d’anecdotes inattendues. Exemples.

>>Nick Hayek Junior a réalisé Family Express en 1991, l’histoire d’un orphelin milanais qui traverse clandestinement la Suisse dans un bus de touristes. Avec Peter Fonda dans le rôle d’un magicien suicidaire nommé… Nick.

>>Dans La Salamandre, le rôle de l’inspecteur de police est tenu par Guillaume Chenevière.

>>Lova Golovtchiner a joué en 1968 dans un long-métrage au titre prémonitoire: Somnifia.

>>Jo Siffert a tourné aux côtés d’Yves Montand et de Françoise Hardy dans le film Grand Prix (1966) de John Frankenheimer.

>>Lolita Morena a été élue Miss Photogenic au concours de Miss Univers 1982 et a tenu un rôle dans Der döppelte Nötzli, en 1990.

>>Shawne Borer Fielding est née à 1 h 07 du matin, elle a obtenu une licence en «publicité et psychologie» et elle a joué dans It’s in The Water, une comédie sur la panique provoquée au Texas par la rumeur d’une épidémie qui rendrait les gens gay.

>>Le directeur de théâtre de Haschich (1968) était joué par François Rochaix.

>>L’UBS a engagé des acteurs tels que Harvey Keitel et John Gielgud pour ses publicités. >>Georges Wod a joué aux côtés de Serge Gainsbourg dans L’inconnu de Shandigor (1967).

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Une version de cet article de Largeur.com a été publiée le 16 mars 2003 dans l’hebdomadaire Dimanche.ch.

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