Les distinctions entre montres pour femmes et pour hommes ont tendance à s’estomper, mais la gouvernance des marques reste majoritairement en mains masculines. Une nouvelle association basée à Genève veut promouvoir les intérêts et les carrières des femmes dans la branche.
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Dans le monde de l’horlogerie, seuls 17% des postes de direction sont tenus par des femmes. Elles occupent pourtant 43% des emplois, principalement dans les domaines administratifs (45%) et techniques (43%) selon le dernier recensement du secteur réalisé par la Convention patronale de l’industrie horlogère (CPIH). Le milieu horloger aurait-il encore du mal à confier des responsabilités aux femmes? «L’horlogerie ne se distingue pas aujourd’hui d’autres branches économiques en Suisse, avance François Matile, secrétaire général de la CPIH. Les femmes cantonnées aux tâches simples et répétitives, c’était peut-être encore une réalité il y a une ou deux générations, mais ces métiers ont depuis été automatisés. Lorsque l’on regarde l’évolution de nos statistiques, on remarque une augmentation régulière du nombre de femmes occupant des fonctions dirigeantes.» Et de rappeler que la plus importante société horlogère au monde est pilotée depuis plus de dix ans par une femme, Nayla Hayek, présidente du conseil d’administration de Swatch Group.
Mais les faits sont têtus et les témoignages viennent pondérer ce bel enthousiasme. Nathalie Veysset a dirigé durant près de quatre ans la manufacture genevoise DeWitt. «Mes débuts à la tête de l’entreprise en 2008 ont été compliqués par deux tares: être une femme et venir de l’extérieur du monde de l’horlogerie. Même si j’avais grandi à La Chaux-de-Fonds dans une famille active dans l’horlogerie, bénéficier d’un réseau ou d’un mentor adéquat me faisait défaut. Il m’a ainsi fallu plus d’une année pour normaliser la communication avec certains pairs ou médias.»
Une expérience que l’entrepreneure, qui dirige aujourd’hui la plateforme de distribution numérique Arcahora, met désormais à profit pour développer le projet Watch Femme. Celui-ci a été inauguré début 2021 sous la forme de discussions animées sur le réseau social Clubhouse par Laetitia Hirschy et Suzanne Wong, respectivement fondatrice de l’agence Kaaviar PR et rédactrice en chef de la revue spécialisée WorldTempus. Elles y abordent des thèmes sur la communication inclusive, la place des femmes dans l’industrie ou l’essor des collectionneuses. Ces échanges suscitent rapidement un fort engouement qui encourage les initiatrices du projet à formaliser la démarche et à commencer à tenir des événements physiques à travers le monde.
«Nous avons notamment organisé une demi-douzaine d’événements l’année dernière, dont 4 à New York, explique Nathalie Veysset, qui est aussi la secrétaire de Watch Femme, constituée sous forme d’association à but non lucratif en septembre dernier à Genève. Une séance spéciale réservée aux femmes a également pu se tenir lors de la dernière édition des Dubai Watch Week. Ce dernier événement était surprenant, de par le nombre de femmes présentes qui possédaient des connaissances poussées des modèles et du marché.»
L’action de Watch Femme se décline aujourd’hui sur trois piliers. «En premier lieu, nous souhaitons promouvoir un changement de mentalité sur la place de la femme dans l’industrie en organisant des discussions sur les sujets qui dérangent, mais aussi en nous adressant à celles qui sont intéressées par ce domaine, que ce soit en raison de la passion des montres ou de l’envie d’en faire leur métier.»
Le développement du réseautage est la deuxième raison d’être de l’initiative, qui réunit aujourd’hui tant des collectionneuses que des professionnelles de l’horlogerie. «Les femmes CEO continuent à se compter sur les doigts d’une main. Nous avons interrogé différents leaders sur les facteurs qui expliquent cela. Une des réponses qui en est ressortie est l’absence de systèmes de soutien. Disposer d’un réseau étendu facilite certainement l’accès à certains postes à responsabilité.»
Le troisième volet auquel Watch Femme veut se consacrer concerne la promotion de ses positions auprès des marques et des détaillants. Faire évoluer les campagnes de communication, développer les possibilités de carrière et promouvoir les voix féminines: l’association veut ainsi établir un dialogue «sans rentrer dans une logique d’opposition entre femmes et hommes». La participation à l’association est d’ailleurs ouverte à ces derniers. «Même si nous ne sommes qu’au tout début de notre démarche, les marques avec qui nous avons pu parler jusqu’ici se montrent plutôt positives et ouvertes à la discussion. L’idée étant de pouvoir proposer dans un avenir proche la tenue de séminaires ou d’ateliers consacrés aux meilleurs pratiques.» Et de souligner que les comportements dépassés se retrouvent à tous niveaux. «Il arrive encore régulièrement qu’une femme qui se rende dans une boutique pour essayer une montre masculine se voit gentiment redirigée vers des modèles garnis de brillants par le personnel de vente. Or le changement de ce type de pratiques doit venir d’en haut.»
La fin des montres genrées?
«Ce qui est également intéressant, outre la question du management, c’est qu’un nouveau débat émerge aujourd’hui sur la nécessité ou non de différencier les montres selon les genres», constate pour sa part Serge Maillard, éditeur de la revue spécialisée Europa Star. L’expert relève que si certaines marques utilisent encore un langage suranné pour communiquer sur les modèles féminins, d’autres préfèrent désormais estomper les différences.
«Nous mettons un point d’honneur à ne pas différencier ou segmenter les montres pour femmes ou pour hommes. Lorsque vous vous rendez chez un concessionnaire automobile, une telle distinction n’existe pas. Pourquoi devrions-nous décider quelle montre est destinée à une femme ou à un homme?», expliquait ainsi le CEO de Zenith Julien Tornare, dans une interview récente.
Autre exemple, la collection J12, lancée il y a une vingtaine d’années par la marque Chanel. «Au départ, cette gamme était présentée comme plutôt masculine, mais elle a ensuite été adoptée par un public majoritairement féminin, explique Serge Maillard. On voit qu’une marque ne peut pas forcément décider qui sera sa clientèle. C’est aussi l’une des raisons qui nous poussent aujourd’hui à présenter dans nos publications les nouvelles collections sous forme thématique plutôt que par genre, de manière à nous adresser à une communauté horlogère la plus large possible.»
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Le secteur horloger poursuit sa reprise
Affichant une progression de 8,6% par rapport à 2019, les exportations horlogères suisses ont atteint en novembre dernier un niveau de 2,2 milliards de francs, soit le meilleur résultat mensuel enregistré depuis le record d’octobre 2014. Des chiffres qui confirment la reprise de la branche. L’horlogerie suisse a ainsi exporté l’équivalent de 20,4 milliards de francs entre janvier et novembre 2021 (+2,1% en comparaison avec le même période en 2019), selon les chiffres les plus récents publiés par la Fédération de l’industrie horlogère suisse.