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Les rois de la piste: le succès des PME du ski suisse

De nombreuses PME suisses spécialisées dans l’équipement de sports d’hiver ont su s’imposer sur un marché mondial pourtant ultra-concurrentiel, notamment grâce à leur savoir-faire de précision. Zoom sur ces entreprises, pas toujours connues, qui vivent de la neige.

Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans PME Magazine.

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Dossier réalisé avec la participation de Julien Crevoisier.

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«Le ski fait partie de l’identité suisse. Les consommateurs aiment ainsi acheter de l’équipement spécial, que tout le monde n’a pas, qui peuvent les distinguer des autres. Les petites marques qui offrent cette quasi-exclusivité répondent bien à la tendance.» Tim Marklowski de l’ONG Mountain Wilderness observe l’essor des marques de niche. La Suisse ne dispose pas d’un grand secteur de fabrication d’articles de sport, résume le cabinet Hanser Consulting dans une étude réalisée pour l’Association suisse des magasins d’articles de sport en février 2021. «Il y a, d’une part, quelques grands fabricants, qui n’ont toutefois pas leur production en Suisse et, d’autre part, quelques dizaines de petits fabricants sur des marchés de niche.» Dans le domaine particulier des skis, les marques historiques suisses ont, à partir des années 1980, presque toutes disparu, de Attenhofer à Streule, en passant par la Vaudoise Authier. Le marché s’est concentré autour de quelques grandes marques et groupes internationaux (Rossignol-Dynastar, Atomic, Head, Nordica, etc.). Aujourd’hui, de petits fabricants gagnent à nouveau des parts de marché, parmi les quelque 200’000 paires vendues chaque année en moyenne en Suisse.

Tim Marklowski, auteur de l’étude de durabilité «De quoi est fait le ski et qui se cache derrière?» nuance néanmoins: «Une partie de ces entreprises font fabriquer leurs skis dans les mêmes usines que les grandes marques. Elles ne s’occupent finalement que du développement produit et du marketing. Et, dans ce cas, l’empreinte écologique n’est pas forcément meilleure.»

La durabilité: problème ou opportunité?

Pour les besoins de son étude, l’organisation de défense de l’environnement alpin basée à Berne a interrogé 21 marques de ski bien représentées dans le commerce en Suisse (environ 30% d’entre elles ont finalement livré des données). «Il n’existe pas de labels comme dans le textile de sports de montagne (qui renseignent sur l’utilisation de plumes, de la laine, de produits imperméabilisants par exemple). Pourtant, le matériel a aussi un impact écologique.» Suite à son analyse, Mountain Wilderness a identifié les principales sources de pollution dans la fabrication des skis: l’utilisation d’énergies fossiles, les noyaux de bois exotiques, le recours à des produits chimiques nocifs ou encore l’absence de «recyclabilité». L’empreinte de skis écologiques est toutefois deux fois moins élevée que celle de skis standards.

Il y a une vraie place à prendre pour des marques qui mettraient en œuvre les principes de durabilité, estime Tim Marklowski. «Dans le domaine des sports de montagne, le niveau d’éducation des usagers est élevé, tout comme leur pouvoir d’achat, ce qui est en fait un domaine propice à l’achat de produits durables.»

Les PME suisses aux sommets

Pomoca, leader de la peau de phoque

L’entreprise vaudoise Pomoca est parvenue à s’imposer sur le marché mondial de la fabrication de peaux de phoque. La PME équipe les athlètes et se prépare désormais aux jeux olympiques.

«Le Covid a mis le ski alpin en quarantaine, ce qui a poussé de nombreuses personnes à se tourner vers le ski de randonnée.» Josep Castellet dirige Pomoca depuis 2011. L’entreprise de 50 employés basée à Denges (VD) produit des peaux de phoques, ces bandes de tissu collées aux skis afin d’adhérer à la neige en ski de randonnée.

Pomoca domine le marché mondial de la peau de phoque. Avec la popularisation du sport, l’entreprise a produit 250’000 paires de peaux en 2021, soit le double de sa production de 2020, entrainant une croissance de 95% de son chiffre d’affaires. En effet, alors que celui-ci était à 1,8 millions de francs en 2009, il a connu une augmentation spectaculaire, passant à 7,5 millions en 2019 puis à 15,3 millions en 2021. «Notre croissance a été explosive, presque trop soudaine. Il était difficile de répondre à la demande.» En 2011, Pomoca avait été racheté par le groupe italien Oberalp, spécialisé en produits sportifs de compétition. Ainsi, les produits manufacturés en Suisse sont envoyés en Italie d’où ils sont redistribués internationalement dans des magasins revendeurs.

Vendus environ 200 francs la paire, les produits Pomoca visent une clientèle aisée. «La technicité des matériaux et le savoir-faire suisse ont un coût. Mais les amateurs de ski de randonnée sont généralement des passionnés pour qui le bon matériel compte plus que le prix. Les Suisses ont une réelle culture de la montagne, ce qui en fait un marché idéal pour les produits de ski. En outre, leur niveau de vie leur permet d’acheter du matériel haut de gamme.» Pomoca fabrique également des peaux de phoque plus basiques qu’elle vend aux marques de sport sans y apposer son nom, ce qui représente environ 10% de son chiffre d’affaires.

Le ski de rando en compétition

Niveau visibilité, Pomoca bénéficie de la publicité des athlètes qui s’affichent avec leurs produits, et notamment avec les reconnaissables peaux roses destinées aux professionnels. «Nous offrons le matériel aux athlètes, mais nous n’avons pas les capacités financières d’être leur sponsor, explique Josep Castellet. Ce sont eux qui choisissent d’utiliser nos peaux, ce dont nous sommes très fiers.» Au palmarès des Suisses, le freeskieur Jérémie Heitz ou encore le skieur-alpiniste Yannick Ecoeur.

Pour la première fois de l’histoire, le ski-alpinisme sera inscrit comme sport olympique pour les JO d’hiver en 2026 à Milan-Cortina «Ces compétitions devraient amener une visibilité intéressante à notre sport, remarque le directeur. Mais nous n’attendons pas de croissance particulière liée aux JO puisque le ski de randonnée reste une activité d’initiés exigeant un bon environnement, de l’équipement et une forme physique adéquats.» Bien qu’il se réjouisse de la croissance de son entreprise, d’un point de vue plus personnel, le passionné de sport Josep Castellet est préoccupé par le risque que la mode du ski de randonnée ne vienne abimer la montagne.

Pour répondre à la demande croissante, Pomoca vient d’acquérir un terrain à Chavornay (VD) afin d’y faire construire un espace deux fois plus grand d’une surface de 3000 m2. Le déménagement est prévu pour 2023.

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Fin 2021, le groupe Oberalp, propriétaire de Pomoca, a racheté Velotex, le fournisseur allemand de velours mohair, matériaux utilisé dans la conception des peaux.

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Rohner, où l’art de la chaussette performante

L’entreprise saint-galloise se spécialise dans la confection de chaussettes depuis presque cent ans. Elle use de sa longue expérience et d’innovations techniques pour élaborer des produits adaptés à la rudesse des sports d’hiver.

La manufacture Rohner voit le jour en 1930 dans la petite ville de Balgach (SG). Son fondateur Jacob Rohner ambitionne alors de créer une chaussette qui se distingue par ses performances, son confort, sa qualité et son design. Les premières productions se destinent à l’armée suisse, mais très vite, l’usine élabore des chaussettes pour les civils, notamment pour les amateurs de sports d’hiver. «Dès les années 1970 et jusqu’au milieu des années 2000, Jacob Rohner SA équipait les athlètes suisses lors des Jeux Olympiques, relate Hermman Lion, l’actuel CEO. Les sports d’hiver font intégralement partie de notre ADN.»

Dans son usine de production établie au Portugal, qui compte une cinquantaine d’employés, un parc de machines à la pointe de la technologie délivre des chaussettes prêtes à s’adapter à la morphologie de chaque pied. Et les matériaux choisis ne sont pas en reste: un savant mélange de fibres naturelles et synthétiques est élaboré pour un confort optimal. «Nous cherchons à développer une gamme large en matière de tailles et d’épaisseurs de tissu, pour convenir à chaque situation.» L’entreprise a réinvesti près d’un million de francs ces cinq dernières années dans son parc de machines et se tourne vers l’industrie 4.0, avec notamment un système de visualisation en 3D pour la conception de ses produits. En Suisse, elle emploie 35 équivalents pleins-temps, actifs dans la logistique, le marketing, la vente, l’administration et la gestion de la production.

S’améliorer grâce aux feedbacks du terrain

L’an dernier, Rohner a établi un partenariat avec le Club alpin suisse, et équipe ainsi les guides de montagne pour le trekking estival. En 2022, le partenariat s’élargira aux sports d’hiver. Un bon moyen d’obtenir des feedbacks rapides et précis venant du terrain, pour améliorer toujours les performances et le confort des chaussettes spécialisées. «Nous avons quelques produits de niche, par exemple pour de la randonnée en haute montagne, à plus de 4’000 mètres dans l’Himalaya. Recevoir des avis éclairés sur ce type de produits se révèle extrêmement précieux.»

Des efforts de recherche d’excellence récompensés, puisque Rohner a remporté en 2020 le 1er prix de l’ISPO –le plus grand salon des équipements de sports d’hiver au monde–, dans le segment «Sports d’hiver», catégorie chaussettes, avec son produit Copper Jet. «Ce prix constitue une belle reconnaissance, qui se reflète maintenant au niveau de nos ventes. Il nous a donné une visibilité internationale: les gens viennent de loin pour s’approvisionner en chaussettes Rohner.» Sur les 2 millions de paires de chaussettes que vend l’entreprise chaque année, 20% s’écoulent à l’étranger, dans les pays de l’arc alpin, en Corée du Sud, aux États-Unis et au Canada principalement. L’entreprise s’engage également sur le plan social depuis 2020 en offrant aux œuvres caritatives suisses, notamment à Caritas, une paire de chaussettes pour chaque paire vendue en ligne, soit environ 10% du total.

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En 2007, Rohner Socks a commencé à produire des chaussettes numérotées, une solution jugée innovante pour le tri des chaussettes et une première mondiale. Le produit phare de l’entreprise, soit le plus vendu, est la chaussette antidérapante «supeR», lancée sur le marché en 1980. En 2013 apparaît la version en coton biologique.

Dominer avec une technologie unique

Leader mondial dans le développement et la fabrication d’airbags pour avalanche, l’entreprise neuchâteloise Alpride a réussi à s’imposer sur le marché européen et à exporter aux États-Unis.

«Nous sommes les seuls au monde à avoir développé et à produire des airbags électriques à supercondensateurs pour avalanche.» Marc-Antoine Schaer, diplômé en microtechnique à l’EPFL, a fondé Alpride en 2009. Détentrice du brevet, l’entreprise est la seule à produire ce type d’airbags électriques, les autres du marché étant mécaniques (à cartouche), ou basés sur une batterie traditionnelle.

Ces airbags s’adressent principalement aux skieurs freeride, aux randonneurs et aux conducteurs de motoneige. Ils sont vendus aux grandes marques de produits sportifs, telles que Scott, Osprey ou encore Millet. Ces fabricants intègrent ensuite la technologie prémontée à leurs sacs à dos. «Nous produisons également de petites séries de sacs finis que nous vendons sur notre site internet, mais 95% de nos ventes se font en B2B», précise le CEO.

Alpride compte 50% de ses clients en Europe, l’autre moitié aux États-Unis ou au Canada. «Il y a là-bas un vrai marché avec les skieurs et les motos-neige, un sport largement plus répandu qu’en Europe.» Cette exportation permet notamment à l’entreprise d’être moins dépendante des conditions météorologiques: «Les ventes basses d’un hiver peu neigeux en Suisse sont rattrapées par les ventes nord-américaines.»

Basé à Lignières (NE), Alpride compte trois employés et collabore depuis sa création avec les mêmes partenaires indépendants: le bureau d’ingénieurs Micro-beam à Yverdon (VD) pour le développement des produits et l’usine Locatis, à Bassecourt dans le Jura, pour la production des circuits électroniques, «la partie la plus importante et stratégique de nos produits.» L’assemblage final est effectué au Vietnam, «pour une raison très simple: tous les fabricants de marque de sport sont au Vietnam, donc nous les livrons ainsi directement dans leurs usines d’assemblage.»

Une innovation unique

Ce qui est novateur, c’est le remplacement des cartouches de gaz par un turbocompresseur électrique pour gonfler le ballon. Au niveau de l’alimentation, ce ne sont plus des batteries classiques sensibles à la température mais des condensateurs résistants aux grands froids. Pesant moins de 1,3 kg, l’airbag électrique d’Alpride est également le plus léger du marché. Les sacs sont vendus autour des 1000 francs pour la version électrique, autour des 700 francs pour ceux à cartouche.

Aujourd’hui, Alpride produit 20’000 airbags par année, soit quatre fois plus qu’en 2018, et espère augmenter sa production à 30’000 pièces dans les années à venir. «Nous enregistrons une croissance constante et stable ces dernières années. Le Covid n’a pas spécialement touché notre secteur puisque les sports d’hiver et d’extérieurs pouvaient toujours être pratiqués.» Le directeur s’inquiète néanmoins pour les prochaines années. «Nous sommes touchés par la pénurie de micro-processeurs électroniques. Nous en avons besoin pour nos airbags électriques et nous savons déjà que nous n’arriverons pas à honorer toutes nos commandes à temps, malgré le fait que nous n’en ayons acceptées que 80% en prévision de cette pénurie.»

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Lorsqu’une personne est emportée par une avalanche, plus son volume est grand, plus elle a de chance d’être repoussée à la surface. Avec une capacité de 150 litres d’air gonflé en trois secondes en tirant une poignée, les airbags d’Alpride doublent les chances de survie en cas d’avalanche parce qu’ils ont plus de 100 fois plus de contenance qu’un airbag de sport classique.

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Innovation et sport d’hiver

L’appli qui manquait aux écoles de ski

La start-up Boukii, basée dans la station des Paccots (FR), lancera bientôt son application visant à faciliter les interactions entre écoles de ski, moniteurs et élèves.

Réserver un cours, consulter le profil d’un élève, gérer la planification du personnel, telle est la promesse de Boukii. L’application fribourgeoise est actuellement en phase de test dans plusieurs stations comme les Paccots (FR) et Villars-sur-Ollon (VD). Les premiers retours sont encourageants. «Les écoles de ski ont rapidement adopté le concept», se réjouit Arsène Garcia, fondateur. Lui-même moniteur de ski, il avait constaté ce besoin dans son travail.

Créé fin 2020 et accompagné depuis novembre 2021 par Fri Up, -organisme de développement d’entreprise du canton-, Boukii vise à devenir l’outil de gestion des cours pour les écoles de ski. L’application proposera également une interface réservée aux familles pour la réservation de leçons et une pour les moniteurs qui pourront consulter les profils de leur élèves afin d’adapter leurs séances. Côté prix, les écoles paieront en fonction du nombre d’opérations traitées. La formule leur permet ainsi de s’assurer en cas d’une potentielle fermeture de la station due au manque de neige. Son lancement est prévu pour le printemps 2022.

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WEMountain

Des formations en ligne pour prévenir les dangers de la montagne

«En 29 ans de carrière, j’ai perdu 30 amis dans des avalanches. L’éducation aux dangers de la montagne doit devenir une priorité.» C’est avec cette forte conviction que le Chaux-de-Fonnier Dominique Perret, élu meilleur skieur freeride du siècle en 2000 lors des Board Awards, a rejoint WEMountain. La start-up lausannoise propose des formations aux avalanches en ligne, suivies d’une validation des compétences sur le terrain. «Les skieurs peuvent ainsi se préparer de chez eux à éviter les dangers et à réagir en cas de problème. En effet, 90% des avalanches sont causées par la victime elle-même ou un membre de son groupe.» Vendues 69 ou 99 francs, les formations en ligne sont dispensées par des moniteurs de ski ou des guides de montagne. Depuis son lancement en novembre 2021, WEMountain enregistre déjà plus de 1000 adhérents.

De la marque de ski Head à la station de Verbier, WEMountain a conclu plusieurs partenariats. Elle s’est également associée au Freeride World Tour: chaque freerider licencié doit suivre les cours avant d’entamer la saison de compétitions. «Le ski hors-piste s’est démocratisé ces dernières années, et les accidents augmentent. Pour préserver la liberté en montagne, il est obligatoire que les skieurs se forment à la sécurité.»

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Retrouvez la deuxième partie du dossier demain.