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Les parasites vous saluent bien

Le discours du président de l’UDC Marco Chiesa contre la politique d’assistanat des municipalités urbaines a débouché sur un dialogue de sourds. La faute à un concept trop simple pour être honnête: le fossé ville-campagne.

Un vrai carton. S’il s’agissait de faire le buzz, on peut dire que le président de l’UDC, le gentil tessinois Marco Chiesa, a magistralement réussi son coup. Son discours du 1er août a éclipsé tous les autres. La soupe, il faut dire, était particulièrement corsée, avec la désignation d’un ennemi et un appel à la guerre.

Face caméra, sanglé dans la traditionnelle et officielle chemise paysanne bleue pâle, Marco-les-bons-tuyaux nous a prévenu: le pays est en butte à une attaque de parasites sociaux, soit les clandestins, criminels et autres fainéants pathologiques, généralement venus d’ailleurs. Tous encouragés et gavés par de frivoles mères nourricières: les villes suisses devenues des bastions de la gauche caviar. Un caviar pas très ragoûtant ni très frais avec ses vilaines teintes roses-vertes. On caricature à peine.

Sus donc à «cette gauche moralisante et condescendante» qui mène «des politiques nuisibles pour notre pays et notre prospérité» et qui pousse l’outrecuidance, du haut de son arrogance citadine, à «mépriser les ruraux».

Les réactions ont été à la hauteur de la diatribe, c’est à dire à peu près au ras des pâquerettes. Ceux qui se sont sentis visés –les élus urbains de gauche–, se sont époumonés à crier au fascisme et à la xénophobie.

Une posture qui équivaut à de robustes coups d’épées dans l’eau: quand l’invective répond à l’invective, tout le monde tourne en rond et personne n’avance. N’aurait-il pas été plus intelligent de contester par exemple l’opposition ville-campagne, en suggérant que désormais la plupart des Suisses vivent dans des agglomérations qui ne sont ni l’une ni l’autre et un peu des deux?

On aurait du même coup fermé la bouche du chef de groupe UDC au parlement, Thomas Aeschi, qui enfourche lui aussi le même défraichi fantasme: «Nous devons faire en sorte que cette dominante rose-verte dans les villes arrête de décider à la place des campagnes. Les campagnes doivent être libres et indépendantes et ne pas laisser dicter par les villes comment elles doivent penser et vivre!»

On aurait aussi pu admettre la réalité de certains abus dans la distribution de la manne tombée des caisses publiques, mais tout en rappelant que la protection sociale des réellement démunis, s’avère, aussi bien que le droit à la sécurité, la raison d’être de toute structure étatique.

Croyant d’ailleurs voler au secours de son président et atténuer son discours de va-t-en-guerre, la conseillère nationale UDC Céline Amaudruz l’a au contraire aggravé, en vendant toute la mèche au passage. Selon elle en effet, il aurait mieux valu parler «d’assistés» plutôt que de «parasites».

Or si chacun peut comprendre et admettre qu’il n’est pas fou de vouloir se débarrasser de parasites, s’agissant d’assistés c’est une autre affaire. Le terme, certes, a pris dans le vocabulaire classique de droite une connotation négative, mais qui relève de l’idéologie pure. Être assisté quand on a besoin d’aide et aucun moyen d’y pourvoir soi-même, n’a pourtant rien de honteux et encore moins de nuisible.

Bien sûr le discours abrupte de Marco Chiesa a sans doute été soigneusement préparé et semble marquer le lancement d’une nouvelle stratégie électorale, comme le souligne le politologue Georg Lutz: «Avec l’immigration à la baisse, l’UDC a compris que la partie allait se compliquer dans le futur. Il faut trouver un nouvel ennemi. Dans ce cas, les citadins. Je ne sais pas si abandonner les électeurs des villes est un bon calcul.»

L’UDC pourra en tout cas compter sur des médias qui adorent cette hasardeuse grille de lecture –le fossé ville-campagne–, ressortie à chaque votation et sans doute trop simpliste pour être vraie. Comme s’il suffisait d’habiter en ville pour être pro-loup, ou de demeurer à la campagne pour devenir xénophobe. Comme si c’était la meilleure façon de remettre le Chiesa au milieu du village.