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L’avenant nouvel homme fort de l’UDC

Le Tessinois Marco Chiesa est le probable futur président du parti populiste. Un changement de style est attendu. Pour le fond, on repassera.

Nous vivons donc en 1918. C’est du moins l’impression exprimée par la ministre de la justice Karin Keller-Sutter dans son discours de la fête nationale. 1918, rappelez-vous, si l’on peut dire. Yannick Buttet et Pierre Maudet n’étaient, et de loin, pas encore nés, ce qui n’empêchait pas les calamités de foisonner un peu partout: grippe espagnole et grève nationale, bref la maladie et l’incertitude économique.

Si le coronavirus restera sans doute bien moins meurtrier que ne le fut la grippe espagnole, les difficultés économiques qu’il engendre n’ont rien d’une plaisanterie. 47% de nuitées hôtelières en moins durant le premier semestre par exemple, 63,6% de passagers-kilomètres en moins pour les transports publics. Même l’immigration est en berne: – 5,7%. Ce dernier chiffre, au moins, devrait satisfaire Marco Chiesa.

Chiesa? Mais oui, ce Tessinois adoubé, un peu à la surprise générale, par la commission de sélection pour devenir le prochain probable patron de l’UDC Suisse, et le premier latin à occuper cette fonction. Ce qui montre déjà que le premier parti de Suisse ne l’était pas tellement que cela – suisse, on veut dire.

«Il est ferme sur les principes, comme l’immigration et les frontaliers, mais il a un style avenant et un fond social.» Venant du conseiller national UDC Jean-Luc Addor, partisan convaincu de la peine de mort, le compliment n’est pas à prendre à la légère. Tellement avenant, Chiesa, qu’il parle, dit-on, «comme un PDC».

46 ans,  élu au Conseil national en 2015, puis au Conseil des Etats l’an dernier, en déboulonnant le cacique démo-chrétien Filippo Lombardi, l’homme dirigeait jusqu’à il y a peu une maison de retraite. Bref le profil idéal pour conduire un parti de vieux, ricanent déjà les mauvaises langues et les esprits sectaires.

Considéré comme proche de Blocher père et fille, c’est de façon évidemment avenante qu’il répond au soupçon que le prochain président de l’UDC pourrait être avant tout une marionnette docile du clan blochérien: «Je n’ai jamais subi de pressions lorsque j’avais des convictions différentes. Cela dit, je n’ai pas de divergence avec eux sur les valeurs fondamentales de l’UDC.» Nous voilà grandement rassurés.

Même son de cloche feutré quand il s’agit d’évoquer ses futures relations avec les sections cantonales: «Il n’y aura pas de discipline militaire, plutôt le rappel de la responsabilité vis-à-vis des électeurs.»

Chiesa pourtant sait aussi montrer ses muscles: «Dans l’immédiat, il y a trois combats à mener: la libre circulation des personnes, l’accord-cadre avec l’Union européenne et la loi sur le CO2. Et là, nous ne ferons aucun compromis.»

C’est ici précisément que Karin Keller-Sutter voulait en venir avec son retour à 1918. Cette année-là, le scrutin proportionnel était introduit pour l’élection au Conseil national, amenant «à faire évoluer le pays vers une démocratie moderne et la concordance. Le fait que les représentants de quatre partis politiques aient dû s’entendre a aussi contribué à la confiance de la population». Et d’enfoncer le clou: «Ce ne sont pas les extrêmes qui ont permis au pays de surmonter différentes crises et épreuves depuis 1291.»

Qu’en pense l’avenant monsieur Chiesa?