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Les petits poings du Conseil fédéral

La décision de rendre les masques obligatoires dans les transports publics semble avoir coûté au gouvernement. Comme s’il avait peur des mesures qui fâchent.

On croyait en avoir fini avec le virus. Or, il semble que ça reparte et que le clubbing effréné y soit pour quelque chose. Très logiquement, le port du masque dans… les transports publics est donc déclaré obligatoire par le Conseil fédéral. Dès le 6 juillet. Tu parles d’un début d’été.

On croyait en avoir fini avec l’affaire Maudet. Ça ne fait que commencer, puisqu’il n’y aura sans doute ni classement, ni négociations mais bien procès, laisse entendre le Ministère public genevois. Essentiellement pour l’excès d’empathie avec lequel l’impétueux magistrat avait été reçu à Abou Dabi en 2015 lors d’un Grand Prix de Formule 1. Maudet a dit que de toute façon, il ne démissionnerait qu’en cas de condamnation. Ce qui revient un peu à jurer qu’on portera un masque mais seulement une fois infecté.

Si le sort de Pierre Maudet n’intéresse plus grand monde, celui du virus continue de passionner les foules. Le Toto-Covid est en passe de devenir le concours de pronostics le plus pratiqué. Deuxième vague? Disparition soudaine et définitive? Nécessité de vivre pendant des années avec cette chose? Rebond saisonnier? Vaccin? Pas vaccin?

Chez les assoiffés du bistrot en bas de la rue, comme chez les pontifiants des plateaux TV, on ne lésine plus sur le marc de café. S’agissant du comportement à venir du virus, même l’infatué professeur Raoult, de l’autre côté de la frontière, après avoir tout prédit et son contraire, en vient à solennellement déclarer qu’après tout, et mûre réflexion, cette fois c’est sûr, il ne sait rien.

Le Conseil fédéral semble être sur la même modeste longueur d’ondes et a paru peiner à justifier sa décision d’obliger les voyageurs au port du masque. On a vu une Simonetta Sommaruga  balbutier que bien sûr il ne fallait pas surréagir mais quand même, les cas augmentant depuis quelques jours, il fallait bien faire quelque chose. Donc, tapons un petit peu du poing sur la table, mais sans casser la table évidemment.

On laissera ainsi aux cantons le choix de prendre des mesures fortes qui renverraient à une sorte de confinement. Comme la fermeture des discothèques et des restaurants, mesure sans doute très impopulaire que le Conseil fédéral préfère éviter en s’abritant derrière le paravent commode du fédéralisme.

Ce sont d’ailleurs des raisons tout sauf scientifiques qui ont été invoquées. D’abord il s’agissait de faire comme les autres,  puisque comme l’a dit Alain Berset dans cette histoire de masques,  la Suisse jusqu’ici «était une exception». Ensuite, ajoute le Fribourgeois «nous avons réalisé qu’il était nécessaire de prendre une décision au niveau national». Bref le fédéralisme, mais seulement quand ça nous arrange.

Tout cela donne l’impression que le gouvernement a pris cette décision à contrecœur. Qu’il aurait bien préféré ignorer cette reprise de feu et se cacher moelleusement la tête dans le sable. Ce qui explique peut-être pourquoi la transgression de cette mesure, pourtant présentée comme importante, ne donnera lieu à aucune amende. Il faudra que le voyageur démasqué refuse de descendre au prochain arrêt pour qu’il lui en coûte quelque chose.

Le confinement plutôt soft choisi par la Suisse lui a certes assez réussi. Mais ce sens aigu des libertés individuelles qui fait un peu partie de l’ADN du pays, pourrait in fine s’avérer peu approprié face à la ténacité d’une telle épidémie et se transformer en une sorte de pusillanimité. Celle par exemple qui consiste à laisser les cantons se débrouiller avec leur nouveaux foyers d’infection et l’indiscipline des citoyens.

Dans le bar zurichois par exemple où plusieurs personnes ont été infectées, tout le monde ne s’était pas inscrit sur la liste pourtant obligatoire des clients, et parmi ceux qui l’avaient fait, un tiers avaient donné une fausse adresse électronique. Bonjour le traçage.

Comme le dit sur le site de Heidi.news, Christian Lovis, qui dirige le service des sciences de l’information médicale aux HUG, «nous allons devoir vivre avec un certain de nombre de cas et d’hospitalisations ces prochains mois». Avant d’ajouter: «Ce qui est simple avec les prédictions, c’est qu’elles sont toujours fausses. Ce qui est compliqué, c’est qu’il y en a qui s’en servent vraiment.»