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Militant jusqu’au bout des dents

Le nouveau président des Verts suisses Balthasar Glättli entend renouer avec les origines et la vigueur contestatrice de l’écologie politique.

La Confédération se rapprocherait-elle de la République de Platon? Les philosophes, en tout cas, se profilent de plus en plus en tireurs de ficelles. Après Gerhard Pfister à la tête du PDC, voici un autre penseur qui prend les rênes d’un grand parti. Certes, le Zurichois Balthasar Glättli, 48 ans, élu à la présidence des Verts suisses, n’a pas terminé son cursus universitaire, interrompu deux fois, la première pour fonder une start-up, la seconde par son élection au Conseil national. N’empêche, une collègue de parti le dit franchement: cet homme-là «pense en rond».

Certes aussi, Léo Ferré déjà avait remarqué que «les hommes qui pensent en rond ont les idées courbes». La même bonne camarade en rajoute d’ailleurs une couche sur la personnalité du nouveau boss: «en séance, cela peut être long, on voit qu’il réfléchit au fur et à mesure, mais quand il s’exprime à une tribune, il est absolument brillant».

Va donc pour brillant, avec peut-être aussi une légère tendance au masochisme, mais façon philosophe toujours, Balthasar avouant en effet «aimer ce travail d’abstraction que réclame la préparation d’une loi».

Ce qui ne l’empêche pas de garder les pieds sur terre, processus sans doute facilité par une paternité récente: «avant, je parlais des générations à venir, maintenant ,je sais de quoi je parle.» L’homme traîne également une réputation de «dictionnaire ambulant» et le soupçon de ne jamais dormir.

Il semblerait aussi que Balthasar Glättli puisse apporter aux Verts une denrée plutôt rare dans ce parti qui ne plaisante pas avec grand-chose: une modeste touche d’humour. Exemple, à propos de sa prise de pouvoir: «J’ai beaucoup de défauts, je ne suis ni une femme, ni Romand. Mais personne d’autre ne s’est présenté.» Ce qui ne l’empêche pas, contrairement à tant d’autres caciques alémaniques, d’articuler un très bon français.

Évidemment un Vert reste un Vert, c’est-à-dire, comme le souligne délicatement son collègue à la commission des institutions politiques, l’UDC Andreas Glarner «un rouge, comme tous les écologistes». Le nouveau président se montre en tout cas le chaud partisan d’une écologie ambitieuse et qui voit loin: «notre but ultime n’est pas de faire passer la loi sur le CO 2 mais de sortir des énergies fossiles.»

Balthasar Glättli aime d’ailleurs rappeler le catéchisme de base: «Les Verts sont le fruit de différents mouvements autour de l’écologie, des droits des femmes, pour la paix, tiers-mondistes. J’insiste pour que l’on reste proche de ces mouvements.» En gros, militant jusqu’au bout des dents.

S’agissant de son bilan de conseiller national, on notera qu’il a été le premier à réclamer une commission d’enquête parlementaire à propos de l’affaire d’espionnage Crypto, qu’il a défendu l’introduction d’une taxe sur les billets d’avion et a beaucoup ferraillé en faveur d’une politique d’asile généreuse. Et qu’avant le Conseil national, il a siégé au législatif de la ville de Zurich, a été aussi secrétaire politique de l’ONG «Solidarité sans frontières » et est toujours vice-président de l’Asloca.

Comme tout responsable vert, désormais son obsession, c’est l’accession d’un écologiste au Conseil fédéral: «Si nous pouvions choisir nous prendrions un siège dès demain.» Sans doute parce que, pour aujourd’hui même, cela faisait un peu court.

Quand on lui demande s’il serait prêt à piquer un siège, y compris aux socialistes, lui le compagnon de la conseillère nationale PS Min Li Marti se transforme aussitôt en rusé jésuite, répondant d’abord que les Verts évalueront leurs chances «à chaque opportunité qui se présentera». Mais pour préciser aussitôt que «le parti le plus surreprésenté au Conseil fédéral reste le PLR» et que la 4e formation du pays «ce sont les Verts et non le PDC». Bref, empoignades de philosophes en vue.