TECHNOPHILE

Son téléphone vaut 24’000 euros

Frank Nuovo est à l’origine de Vertu, la marque de téléphone mobile de prestige lancée cette semaine par Nokia. Rencontre.

Frank Nuovo rêve depuis 10 ans d’exhiber le téléphone mobile qu’il sort lentement de sa poche. Oblong, lisse et brillant, l’objet renvoie violemment la lumière. Frank penche la tête et chuchote: «Le manteau de celui-ci est en or blanc. Le tour du cadre est en cuir noble, les touches en rubis, et la vitre est en saphir inrayable.» Frank Nuovo est à l’origine de Vertu, la première marque de téléphones mobiles de prestige. Il présentait mardi soir son entreprise et ses produits dans un night-club genevois.

Vertu – filiale prestige du géant finlandais Nokia – entend jouer la carte du très grand luxe dans un segment non encore exploré. Les quatre modèles de téléphones mobiles proposés dès cette semaine – Acier, Or jaune, Or blanc, Platine – coûtent de 6000 à 24’000 euros (36’000 francs suisses). Ils seront vendus dans des boutiques de luxe – dont deux galleries spécifiques à Paris et Singapour – et par l’intermédiaire de vendeurs mandatés, qui se rendront sur demande vers les clients.

L’objet doit permettre à la jet-set de téléphoner différemment des autres mortels – résumés à tout bout de champ par l’expression «mass market» dans la bouche de Frank Nuovo.

C’est pourtant le «marché de masse» qui a permis à cet Italo-Américain de 41 ans de faire ses armes: «En 10 ans chez Nokia, où j’occupe toujours le poste de responsable du design, j’ai conçu des appareils destinés à des millions d’usagers. Avec Vertu, ce sont des règles totalement différentes qui s’appliquent: les téléphones sont assemblés à la main, comme des montres de luxe. Et il faut près d’une heure pour en fabriquer un seul.» Vertu applique les règles de discrétion en vigueur dans le milieu du grand luxe et ne communique pas ses ambitions de vente ou de production.

«Les prix des appareils sont parfaitement adéquats par rapport à l’effort et aux matériaux utilisés. Comme une montre de luxe, le boîtier d’un Vertu est immortel. Nos clients peuvent faire installer les adaptations technologiques à l’intérieur du même boîtier. Ainsi, nous offrirons un écran couleur dans peu de temps, sans supplément de prix. Et quand la troisième génération de réseaux mobiles se développera, nos clients pourront adapter leur téléphone.» Nokia fournit le moteur technique des appareils Vertu, mais «toute l’interface a été repensée et optimisée».

En main, l’interface rappelle de très près celle d’un Nokia haut de gamme actuel. Mais le Vertu est beaucoup plus lourd, les matériaux nobles utilisés n’ayant évidemment pas la légèreté du plastique d’un téléphone de base.

En plus des appareils, Vertu entend commercialiser une gamme de services novateurs. Le client Vertu doit sentir qu’il appartient à un club exclusif, une élite. Ainsi, chaque téléphone est muni d’une touche spéciale qui le relie à un «concierge». «Il s’agit d’un opérateur polyvalent qui répond à l’usager dans sa langue, à toute heure, qu’il se trouve à Dubaï ou à Paris, comme un concierge d’hôtel de luxe. Le concierge peut rendre toute sorte de services: réserver un billet d’avion, des places de spectacles, un restaurant ou dépanner la voiture.»

A la manière de l’horlogerie, le marché du téléphone de grand luxe va, selon Vertu, se développer rapidement. «Nous serons certainement copiés et vous verrez d’autres marques proposer ce genre de produits. Mais j’ai l’habitude: j’ai fabriqué chez Nokia les produits parmi les plus pastichés du monde.»

L’entreprise Vertu emploie 200 personnes, essentiellement en Angleterre où se trouve le siège et la fabrique.

Frank Nuovo vit entre la Finlande et sa maison du sud de Los Angeles. Il possède une Bentley de 1952 («mais je roule surtout dans ma Porsche Carrera 4», précise-t-il).