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L’impôt qui mord

Le net refus des Genevois d’abolir la taxe sur les chiens ne grandit ni l’idée de fiscalité ni le processus électoral.

De deux choses l’une: soit les Genevois adorent l’impôt, soit ils détestent vraiment les chiens. Les deux affirmations semblent aussi absurdes l’une que l’autre. C’est ce qu’il y a de plus curieux avec le résultat de cette votation locale qui a vu les habitants du bout du lac rejeter la suppression proposée par le Grand conseil de la taxe sur les chiens. Un refus net à 67%. Plus net encore que l’approbation au niveau national de la criminalisation de l’homophobie. Il apparaît donc que la «canophobie» , elle, continue de sévir en toute impunité.

Cette affaire de taxes et de toutous servira au moins, à posteriori, à tirer quelques saines et sévères conclusions. Que par exemple cette votation révèle plus crûment que d’autres, la motivation principale qui agite le citoyen au moment de glisser son bulletin dans l’urne: un certain égoïsme bien compris. On peut parier que les propriétaires de chiens ne sont pas très nombreux parmi les 67% favorables à la taxe, mais surreprésentés du côté des abolitionnistes.

Rien de plus normal après tout: voter en suivant son propre intérêt réserve sans doute moins de mauvaises surprises que de voter en fonction de principes généraux, voire généreux, au profit d’on ne sait trop qui.

On pourra aussi constater que le chien demeure politiquement un animal indiscernable. Les référendaires anti-chiens réunissaient ainsi des représentants du PS, des Verts, du PDC et du PLR, même si au Grand Conseil pour faire passer l’abolition les voix PLR s’étaient mêlées à celles de l’UDC, du MCG mais aussi d’Ensemble à gauche. Une chose paraît d’ores et déjà établie: le chien n’a pas la cote au centre, mais se voit bien cajolé aux extrêmes.

C’est d’ailleurs avec une approche très modérée, toute en appels doucereux à la responsabilité et au civisme, que les partisans de la taxe ont fait campagne, assurant que cet impôt était nécessaire pour couvrir les coûts liés au nettoyage des déjections et à la mise à disposition de caninettes et de sacs. Le tout assaisonné d’une quand même assez péremptoire sommation: «Les propriétaires de chiens doivent contribuer, car la propreté des rues a un coût.» Avant de rappeler pour la forme, avec l’habituelle hypocrisie propre aux campagnes de votations, un truisme qui ne mange pas de pain et encore moins d’os à moelle: comme quoi le chien serait «bien souvent le meilleur ami de l’homme».

Un ami d’autant plus amical qu’il a rapporté l’an passé, via la taxe, 50 millions aux collectivités publiques de ce pays. À Genève les partisans de l’abolition eux ont joué la stratégie de la larme à l’œil en parlant d’un «impôt injuste et discriminatoire», ne tenant aucun compte de l’apport social conséquent que représente la compagnie d’un chien. Même si, bien sûr, tous les propriétaires de chiens ne sont pas des punks désœuvrés ni des grands-mères abandonnées. Une autre question était posée aussi de savoir pourquoi les quelques 500’000 chiens recensés en Suisse étaient taxés et pas le million et demi de chats.

S’il y a, à cet égard, une chose que montre la taxe sur les chiens, c’est que l’égalité devant l’impôt s’apparenterait davantage à d’autres animaux, comme le serpent de mer ou le corbeau blanc. D’abord le montant de la taxe varie du simple au triple, d’un canton et d’une commune à l’autre. Ensuite tous les chiens ne sont pas assujettis: les chiens d’avalanche, les chiens d’assistance et les chiens policiers se voient par exemple exemptés. Tout comme certains propriétaires. C’est le cas à Genève par exemple des chefs et des fonctionnaires des missions diplomatiques, mais pas de leurs «domestiques privés». Même chose pour les organisations internationales.

À noter enfin que cette taxe sur les chiens historiquement a été instituée au XIXe siècle lors des épidémies de rage, pour financer la capture et l’abattage des animaux porteurs du virus, et que depuis la plupart des pays européens l’ont supprimée. Pas la Suisse, comme pour souligner que dans ce pays si être citoyen est un honneur, c’est aussi une charge pour la collectivité, ce que vient rappeler, en attendant celle sur le fait de respirer, la taxe sur la possession d’un chien. Le message semble reçu, à Genève en tout cas. Radieux est l’avenir du citoyen obéissant et tondu comme un caniche.