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La Suisse s’ouvre, quel sale coup!

En votant à rebours du bon sens depuis dix ans, le peuple simplifiait la tâche du chroniqueur de Largeur.com. Jusqu’à ce dimanche 3 mars 2002…

Quel sale coup! Un dimanche de printemps, un rayon de soleil sur les Alpes centrales, un moment de relâchement, et hop! Votre fonds de commerce s’évapore, vous vous retrouvez Gros-Jean comme devant contraint de faire fonctionner vos neurones, de chercher de nouvelles métaphores à filer. Car, je dois le reconnaître en toute humilité, cela faisait dix ans – depuis le trop fameux 6 décembre 1992 – que le peuple me simplifiait mon boulot d’éditorialiste en votant à rebours du bon sens, en se vautrant dans un passéisme outrageux, en se shootant aux remugles d’un nationalisme borné.

Au soir des dimanches de votation, il me suffisait de me brancher sur la complainte du Röstigraben, de l’arriération des fils de Tell, du refus de la modernité et le tour était joué, ma copie pondue.

Or voici que, conquis par les pépètes d’cialis viagra visa, séduit par le sourire langoureux de Joseph Deiss, fasciné par le sex appeal de purchasing cialis in australia, le peuple et les cantons s’unissent pour me couper l’herbe sous les pieds. De justesse, je vous l’accorde. Mais c’est net, il n’y a rien à redire, rien à ajouter. Plus de 54% des voix et douze cantons contre onze, cela fait une majorité confortable. L’EEE avait perdu pour moins que cela en 1992 et les blochériens se gargarisent aujourd’hui encore de leur victoire écrasante.

Donc les lendemains vont désormais chanter.

Il faudra s’habituer à parler sans ricaner de l’esprit d’ouverture de la Suisse comme d’une réalité incontournable. Il faudra considérer avec sérieux la politique étrangère concoctée par les services de Joseph Deiss. Il faudra même, qui sait, se taire entre la poire et le fromage pour écouter religieusement le discours de Son Excellence l’Ambassadeur de la Confédération Suisse à l’ONU. Quelle changement, mes amis! Pourvu que cela ne nous donne pas le tournis, ou la grosse tête. Ou, pire, les deux à la fois.

Il faudra aussi s’habituer à parler de la Suisse comme d’un pays normal. Il s’agira de glisser le sonderfall au fond d’un tiroir, de cesser de s’étonner de la cohabitation somme toute banale de langues, de cultures et de religions diverses. Le fédéralisme, de bannière de l’exception helvétique, deviendra un argument politique à opposer à tous ces chevènementistes-blochériens au souverainisme borné et désuet. La neutralité retrouvera sa fonction première et essentielle: éviter que les Allemands, les Français, les Italiens et les Autrichiens ne piétinent nos plates-bandes pour des raisons autres que commerciales ou touristiques.

Il n’y a pas de doute: en devenant le 190ème membre des Nations Unies, nous entrons non seulement dans l’histoire, mais nous commençons à marcher vers l’avenir radieux de la normalité.

L’apprentissage aura duré la bagatelle de 711 ans. Il était vraiment temps de tourner la page.