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Soigner des patients ou satisfaire des clients?

La confusion entre hôpital, lieu de soins et hôtel quatre étoiles fait débat.

«Mon voisin ronflait, impossible de fermer l’œil.» «J’avais le choix entre deux menus aussi peu alléchants l’un que l’autre.» «Le matin on te réveille à l’aube, tu te crois à l’armée.» «Pour les infirmières, j’étais un numéro.» «Les visites ininterrompues de mes voisines m’ont épuisée.» «Il faut y avoir séjourné pour apprécier son chez soi.» Ces quelques remarques, recueillies auprès de proches au sortir de leur hospitalisation, témoignent d’une orientation bien particulière de leurs attentes.

La description d’un séjour à l’hôpital fait souvent l’impasse sur son aspect thérapeutique. A l’heure où les bénéfices du traitement ou de l’intervention chirurgicale semblent aller de soi – gare au procès en cas de complications ou d’erreur! – les patients se focalisent sur le confort lors de leur séjour hospitalier.

Avec les restrictions des budgets de la santé, la mission des hôpitaux doit-elle privilégier les services hôteliers au détriment des soins dans le seul but d’améliorer la satisfaction des patients? Cette question insolite, déjà posée du bout des lèvres en Suisse, fait débat aux Etats-Unis.

Une mesure du gouvernement fédéral attribuant un bonus financier aux hôpitaux qui obtiennent de bons scores aux questionnaires de satisfaction de leurs patients se trouve à l’origine de la discussion. Ce qui devait être une incitation à une prise en charge centrée sur «l’expérience vécue» a entraîné une inversion des priorités.

Cet effet, pervers, pousse les hôpitaux à s’éloigner de la dimension santé pour se concentrer sur le cocooning. L’écrasante majorité des 32 questions du HCAHPS (Hospital Consumer Assessment of Healthcare Providers and Systems) porte sur celui-ci avec des conséquences pour le moins risibles. Ainsi, dans l’Oregon, une infirmière s’est vue accusée de maltraitance par un patient, opéré pour un quadruple pontage coronarien, car son sandwich ne contenait pas assez de pastrami!

Des patients de plus en plus nombreux ont des attentes irréalistes. Non sans incidence sur leur prise en charge par leur médecin qui évitera, sciemment ou non, de les informer à propos de leur affection, du suivi de leur traitement et négligera les conseils en matière de tabac et de nutrition. «Les patients n’aiment pas les mauvaises nouvelles. Ils peuvent être très satisfaits et mourir dans l’heure qui suit», relève un médecin hospitalier du Missouri, cité dans le magazine américain The Atlantic.

Jusqu’où les hôpitaux sont-ils prêts à aller pour satisfaire leurs patients-clients? Certains engagent des voituriers à qui confier la clé de son véhicule à l’entrée de l’hôpital, d’autres rivalisent en matière de mise à disposition de services traiteurs, room services, manucures ou coiffeurs. Pour améliorer la relation infirmières-patients, certains établissements exigent de celles-ci l’usage de phrases types à même de contenter leurs hôtes. Des consultants vendent des recettes pour booster les scores des questionnaires de satisfaction et on peut découvrir, dans les offres d’emploi, une nouvelle compétence demandée aux infirmières: «good customer-service skills».

Satisfaction et guérison ne vont pas forcément de pair. Le patient-client n’a pas toujours raison quant aux priorités qu’il se fixe. Les expériences hospitalières, style Disney ou Ritz Carlton, n’améliorent pas les scores de santé. Des hôpitaux qui affichent des scores très élevés de satisfaction enregistrent par ailleurs des décès, complications post-opératoires ou ré-hospitalisations plus fréquents et figurent au bas du classement en matière de qualité des soins.

Les hôpitaux-hôtels font leur apparition en Suisse. En automne 2016, l’un d’entre eux devrait être inauguré sur le campus du CHUV, à Lausanne. Bâle suivra et d’autres projets sont en cours d’étude. La société Seliva est à l’origine d’un concept novateur d’hébergement avec soins intégrés, baptisé «Hôtel Patients». Grâce à un partenariat public-privé, la formule (qui devrait être prise en charge par les assurances maladies) a l’avantage de libérer des lits en soins aigus tout en faisant profiter les patients qui ont retrouvé leur autonomie d’un environnement hôtelier très confortable.

«Quel calme dans ma chambre.» «La nourriture était quasiment gastronomique.» «Le matin, je me réveillais naturellement.» «Le personnel était aux petits soins.» Est-ce là un échantillon des commentaires des futurs résidents des «Hôtels Patients»?