Initiative pour annuler une initiative, manifestation pour protester contre une manifestation, pénis en bois, vagin en peluche et recadrage de la garde suisse. Au secours, les vieilles lunes vacillent!
On peut donc, en Suisse, être islamiste, barbu, confédéré, converti et organiser une manifestation autorisée pour protester contre une manifestation interdite — la conférence annuelle du Conseil central islamique suisse. Et voir cette manifestation à son tour perturbée par une manifestation de Kurdes venus protester contre les menées sanglantes de l’Etat islamique.
Un sommet du multiculturalisme, dans toute sa féconde vigueur, a sans doute été atteint ce jour-là en plein Fribourg à l’instigation du courroucé Nicolas Blancho. Il ne manquait, pour que la fête soit complète, que les chrétiens orthodoxes d’Erythrée qui font la course en tête depuis trois ans dans les statistiques des demandes d’asile.
Cette richesse citoyenne d’un nouveau genre — la manifestation de protestation contre la manifestation de protestation —, on la retrouve toute aussi étincelante dans la récolte de signatures en faveur d’une nouvelle initiative populaire visant à abroger l’initiative populaire du 9 février et subtilement intitulée «Sortons de l’impasse».
Une initiative qui a déjà reçu le soutien, entre autres têtes bien faites, de l’ancienne conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey. Laquelle a toujours aimé ça, il est vrai, sortir des impasses. N’a-t-elle pas suivi sa scolarité à l’ombre du rocher de St-Maurice?
Tout le monde n’a pas cette chance. On pourra ainsi, parents de bambins dans le demi-canton de Bâle-Ville, protester contre les cours d’éducation sexuelle en classes enfantines et primaires. S’offusquer d’une valise pédagogique recelant des trésors aussi sulfureux qu’un pénis en bois et un vagin en peluche — l’option inverse n’était sans doute pas disponible, tant pis pour la théorie du genre. Se voir débouter successivement par les autorités scolaires, le gouvernement de Bâle-Ville, la cour d’appel cantonale et enfin le Tribunal fédéral. Et se retrouver donc devant à peu près cette seule et mortifiante perspective: déménager à Bâle-Campagne.
C’est que désormais les autorités à tous les échelons savent se montrer intransigeantes quand les vraies valeurs sont en jeu. Aucun citoyen, semble-t-il, ne saurait plus impunément se soustraire — qu’on se le tienne pour dit — au juste culte du pénis en bois et du vagin en peluche.
Les parents bâlois ne sont pas les seuls à être priés de remballer vite fait leurs obsolètes et poussiéreuses convictions. Le commandant de la garde suisse pontificale, Daniel Anrig, vient comme on le sait de se faire moucher par le pape en personne. Le Saint-Gallois quittera ses fonctions en janvier et les rumeurs vaticanes insinuent que ce coup de torchon papal s’expliquerait par la volonté de François de donner un tour moins militaire à sa garde personnelle.
Le Blick suggère même que les relations entre le commandant et le souverain pontife ne seraient pas vraiment de celles qui prévalent entre bons chrétiens. L’Argentin aurait même refusé au Suisse l’aménagement d’un appartement luxueux au-dessus de la caserne.
Bon, ce pape des antipodes ne savait peut-être pas qu’exiger d’un citoyen suisse à la fois d’être moins militaire et plus pauvre, c’était s’en prendre aux deux plus vieilles et lourdes mamelles de l’Helvétie profonde. A moins, au contraire, qu’il ne l’ait que trop su. Que les meilleurs pis sont appelés à se tarir un jour et que toute impasse, aussi confortable soit-elle, est faite pour qu’on en sorte.
