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Le PS suisse déchiré

En combattant par un référendum perdu d’avance deux mesures provisoires sur l’asile, une partie de la gauche semble adopter un travers de l’UDC: faire des demandeurs de simples agents électoraux.

Le syndrome Valls peut-être. Le ministre hollandais mène à l’Intérieur, comme on sait, une politique du muscle et du parler franc qui plait tout particulièrement à la droite. Et continue d’indisposer nombre de camarades obligés de se boucher continuellement le nez.

Un peu de la même façon, le PS suisse est en train de se déchirer sur un référendum pourtant bien de gauche, contre le durcissement de l’asile adopté par le parlement en septembre. Un débat interne inimaginable il y a peu encore, tant la défense des requérants d’asile était pour les représentants du parti à la rose, gravée dans le marbre des principes non négociables.

Certes, l’aréopage référendaire ressemble diablement à un radeau de la méduse: Les Verts, les jeunes socialistes, le centre social protestant, la section bernoise du parti du travail, le mouvement de la gauche anticapitaliste, le forum pour l’intégration des migrants, les juristes démocrates de Suisse. Ne manquerait presque que l’amicale des fumeuses de pipe en terre.

Sauf qu’une partie du PS a donc décidé d’entrer aussi dans la danse: les sections zurichoise, genevoise et jurassienne, et sans doute d’autres bientôt, se mêleront de récolter les signatures, contre l’avis de la direction du parti.

Direction face à laquelle le vieux lion Jean Ziegler s’est mis à rugir, l’accusant d’une sorte de trahison multi cartes: des idéaux, de la solidarité internationale, du droit même. Tout cela pour deux mesures provisoires adoptées par le parlement — la désertion qui n’est désormais plus admise comme motif d’asile, et l’impossibilité de déposer une demande dans les ambassades.

Certes Ziegler n’a pas vraiment tort en soulignant que «le déserteur incarne l’homme de courage qui dit non». Difficile en effet d’imaginer une façon plus radicale que la désertion de se fâcher avec son pays et de se retrouver en but à toutes sortes d’ennuis divers, allant de la peine de mort à l’emprisonnement de plus ou moins longue durée.

Les arguments pourtant développés en réponse par la co-présidente du PS Géraldine Savary ne sont pas dénués de pertinence: d’abord qu’il sera difficile de «convaincre les gens de combattre des mesures provisoires». Avec la perspective surtout en décembre d’une nouvelle réglementation sur l’aide d’urgence: «Lancera-t-on encore un nouveau référendum?»

La vaudoise admet la forfaiture qu’a représenté la suppression par le parlement de la désertion comme motif honorable d’asile, mais rappelle que la porte ne reste pas complètement fermée aux déserteurs, avec une possibilité d’admission elle aussi provisoire. Et surtout, assène la sénatrice, la défaite probable de ce référendum servira sans doute de socle et de prétexte à un nouveau durcissement des conditions d’asile, voulu par la droite.

Difficile enfin de voir comment un tel référendum, effectivement perdu d’avance et risquant surtout de lasser la patience des citoyens sur le thème de l’asile, pourrait servir tant soit peu la cause des requérants. On pourrait même se demander si, sur ce coup-là, une partie des militants de gauche réagissent non pas avec leurs têtes, mais plutôt avec leurs cœurs emballés de doctrinaires.

C’est l’hypothèse la plus aimable. L’autre explication voudrait que certains dans la vaste et trépidante galaxie de gauche tombent dans le même péché mortel que l’UDC. A savoir considérer les requérants non pas comme des individus, ni même un groupe de personnes, dont le statut et les revendications peuvent et doivent être sereinement discutés, mais comme de simples et désincarnés arguments à servir chauds sur affiches ou dans les débats télévisés. De battre en somme avec la misère du monde, et avec le même cynisme que l’UDC, un peu ragoutant beurre électoral.