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Pectoraux et poitrines, les nouveaux appâts du pouvoir

Les photos ne sont plus volées par des paparazzi. Aujourd’hui, les corps politiques se dénudent publiquement. En Allemagne, les décolletés s’invitent à la campagne des législatives.

Barack Obama a placé la barre très haut. A tenter de se forger une silhouette aussi sexy que la sienne, un chef d’Etat a failli y laisser sa peau. Avant celui du président américain, on avait eu droit au torse nu à la James Bond de Vladimir Poutine et à celui de Silvio Berlusconi un peu pirate avec son bandana.

Exhiber un corps bien fichu et peu vêtu est en passe de devenir un atout politique non négligeable. Il n’y a pas si longtemps, seuls des paparazzi en mal d’un scoop estival parvenaient à voler des images de l’intimité de nos leaders. On se souvient du scandale occasionné par l’apparition dans la presse de Moritz Leuenberger. C’est à son insu que le conseiller fédéral était apparu à la une du tabloïd alémanique «Blick», en maillot de bain.

Aujourd’hui, les photos ne sont plus volées. Le culte d’un corps d’athlète a fait son oeuvre. Ainsi, c’est Christian Lüscher qui convoque la presse pour l’immortaliser en combinaison seyante de skieur nautique ou Ueli Maurer se faisant passer pour un sérieux rival de Lance Armstrong; son porte-parole, Jean-Blaise Defago croit indispensable d’expliquer aux médias: «Ueli Maurer est fit, très fit!»

«Etre fit», un critère qui n’était guère tendance jusqu’ici dans le monde politique. Un de Gaulle en Speedo? Inimaginable. Puis ont débarqué les photos, images de la jeunesse et de la santé, de JFK en slip de bain devant les vagues de Hyannis Port. Des images trompeuses quand on sait combien ce corps souffrait de mille maux.

Au XIXe siècle, Bismarck et Salisbury, les deux grands politiciens, n’étaient pas dotés d’une santé bien robuste. Ils n’en ont pas moins tenu la barre d’une main ferme. Idem au XX siècle, qui a vu des figures charismatiques telles que Roosevelt ou Churchill souffrir de maladies diverses et n’en rien cacher. «No sport» était d’ailleurs la devise du second.

Les femmes n’échappent pas à cette forme de «people-isation» de la politique. En 2007, durant sa campagne, Hillary Clinton a agité la blogosphère avec un mini décolleté.

Cet été, pour sa première journée au Parlement européen, Rachida Dati a su mettre en valeur sa féminité avec une tenue affriolante. Mais c’est Angela Merkel, la fille d’un pasteur allemand qui, la première, a osé un décolleté vertigineux.

En Allemagne toujours, les décolletés s’invitent dans les élections législatives de septembre. Une affiche défraie la chronique. Les électeurs y sont aguichés par deux opulentes poitrines: celle de la chancelière et celle de Vera Lengsfeld, une candidate berlinoise de la CDU. La légende: «Nous avons bien plus à offrir».

«Si un dixième seulement des bloggeurs jette un oeil à mon programme, j’aurai atteint un meilleur résultat qu’en faisant campagne de manière plus classique», calcule la candidate. Des mamelles pour donner des leçons aux machos ou pour nourrir des électeurs infantilisés?

Sur une autres affiche, en gros plan, une paire de fesses noires sur lesquelles sont appliquées des mains blanches. Essayé, pas pu! Les «Verts» l’ont retirée après avoir enregistré des réactions par trop négatives.

Pourquoi le corps politique se dévoile-t-il de la sorte? Serait-ce pour signifier au corps électoral que «le roi est nu» ou, piste plus vraisemblable, pour répondre aux aspirations de leurs électeurs? En effet, comment ne pas voir derrière la focalisation croissante du corps électoral sur l’apparence physique de ses élus son incapacité à porter un jugement sérieux sur les idées en jeu. Vive la démocratie!