Ces édifices routiers sont utiles à la circulation, mais posent d’épineux problèmes quand il s’agit de les décorer. Plus de la moitié des giratoires au monde se trouvent en France. Histoire.
Les décorations de giratoires sont variées: brouettes florales, châteaux miniatures, cascades, monuments aux morts, maquettes de véhicules, statues, fontaines…
Ces carrefours à sens unique destinés à assurer la fluidité de la circulation se sont transformés en vitrines des édiles locaux et en terrains d’expression plus ou moins artistique. L’homme a horreur du vide et le remplit de son mieux…
Si l’efficacité technique des giratoires suscite un relatif consensus, leur aménagement est souvent critiqué. «Pourquoi faire simple quand on peut faire moche et tarabiscoté?», demande Jean-Pierre Le Dantec, l’ancien militant maoïste devenu professeur d’architecture.
Il y a les giratoires des riches et les giratoires des pauvres. A Martigny, Léonard Gianadda vient d’offrir des sculptures pour en orner treize tandis qu’à l’entrée de Delémont, la nature a décoré à sa guise un vaste giratoire laissé en friche.
Il faut savoir que plus de la moitié des giratoires au monde se trouvent en France (où ils sont estimés à 20’000). «Tout giratoire annonce un giratoire, il se peut même qu’il y en ait un entre deux», observe Alain Schifres dans son «Inventaire curieux des choses de la France».
Le terme rond-point est bien antérieur à l’apparition de l’automobile. Il désigne dans les jardins et les forêts, un carrefour circulaire auquel aboutissent plusieurs allées. L’expression carrefour giratoire date elle seulement du XXe siècle et désigne le dispositif technique qui permet de gérer la circulation dans les carrefours.
L’ouvrage «Du rond-point au giratoire» d’Eric Alonzo esquisse une passionnante généalogie du rond-point.
Pendant l’Antiquité et le Moyen Age, la majorité des tracés d’aménagement de la circulation est la trame orthogonale. C’est pendant la Renaissance qu’apparaît une nouvelle organisation rayonnante de l’espace. Le motif de l’étoile est alors omniprésent sur les plans des cités idéales, mais peine à se concrétiser en ville.
Avant son apparition urbaine, c’est dans les forêts franciliennes que surgissent une multitude de ronds-points. Une forme parfaitement adaptée à la pratique royale de la chasse à courre. Parmi les projets qui voient le jour, Sceaux, Meudon, Chantilly, mais surtout Versailles.
En 1670, Le Nôtre aménage celui qui demeure, aujourd’hui encore, le plus admiré: le rond-point des Champs-Elysées. Une vingtaine d’années plus tard, c’est le roi Frédéric 1er qui met en place, à Berlin, le «Grosser Stern» sur l’axe Unter den Linden. L’ange des «Ailes du désir» de Wim Wenders méditait sur ce rond-point.
Suivront Saint-Pétersbourg, Washington et, bien sûr, l’Angleterre et ses villes et aux «squares», «circles» et autres «circus».
L’augmentation considérable du trafic conduit Eugène Hénard, l’inspecteur des travaux de la ville de Paris, à trouver une solution à ces «points critiques où les courants de circulation se rencontrent».
«Il suffit, estime-t-il, d’empêcher les voitures de passer sur ces points en y mettant un obstacle». Le «carrefour giratoire», est né, nous sommes en 1906.
Depuis, on a laissé tomber le carrefour pour ne retenir que l’adjectif associé, «giratoire», et «l’obstacle» prévu par Hénard emprunte des formes qui n’en finissent pas de nous surprendre.
