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Tempête dans un lapsus

Une affaire d’Etat, le dérapage de Pascal Couchepin? Plutôt un os décharné à ronger pour l’UDC et la presse de boulevard. Chronique.

Ici une langue un peu épaisse et qui fourche, là un SMS ridicule de trop. La petite Suisse et sa grande voisine française s’offrent des affaires d’Etat microscopiques. Jeu de mot même pas drôle d’un côté (Mörgele, Mengeli, vous riez?), pitoyable histoire de coeur et de cul de l’autre («Si tu reviens j’annule tout»).

Avec un Couchepin incapable de dire si son calembour était volontaire ou pas, incapable de s’excuser comme de ne pas s’excuser. Avec un Sarkozy-la-classe expliquant n’avoir pas pu faire son jogging habituel le samedi de son mariage, parce qu’il avait dû ce jour-là «assurer». Misère.

Où sont les complots, les conjurations, les forfaitures d’antan? Les dagues dans le dos? Les guillotines? Les poudres et les poisons? «Nous vivons une époque épique et nous n’avons plus rien d’épique» se lamentait déjà Léo Ferré, qui n’avait encore rien vu.

L’insignifiance appelant l’insignifiance, voilà qu’à l’occasion de ce pataquès désormais mémorable on nous rappelle un Pascal Couchepin jappant devant la conseillère nationale PDC Kathy Ricklin lors du débat sur les chiens dangereux au parlement.

«Facéties de chambrée» , «incontinence verbale», s’énerve l’Hebdo.

Mörgeli, lui revenu en catastrophe de Buchenwald (un hasard, jure-t-il), orchestre le ramdam médiatique autour de l’affaire, divulgue et commente les enregistrements de la fameuse séance de commission. Et s’indigne, le pauvre, de ce qui lui arrive, allant jusqu’à certifier que «nous vivons en dictature».

Avec goulag sur le glacier d’Aletsch et crématoires en Appenzell?

Mörgeli, conseiller national et idéologue du premier parti de Suisse, tellement distingué et retenu, lui qui disait si aimablement de son camarade-ministre Samuel Schmid: «Si la force de caractère était un organe vital, il faudrait le maintenir artificiellement en vie».

Ah, mais c’est que «l’homo blochericus» est fier de ses prérogatives: l’insulte de bas étage, c’est sa marque de fabrique réservée, son AOC rien qu’à lui, son copyright exclusif, pas touche donc.

Alors que le seul vrai dérapage dans cette affaire serait plutôt que cet incident insignifiant soit sorti du cadre de stricte confidentialité où sont censés se dérouler les travaux des commissions parlementaires. Une fois de plus, l’UDC s’assied sur le fonctionnement des institutions lorsque cela sert ses intérêts.

Avec, comme c’est désormais la coutume, l’aide de son complice préféré habituel, la presse de boulevard, qui partage, avec des motivations bien différentes, le même intérêt pour les mélodies de grosse caisse et le parfum du scandale. Bientôt suivie par la presse dite sérieuse et les responsables politiques de tout bord, dramatisant de façon absurde ce pseudo-évènement.

«Couchepin, le rempart face aux dérives fascistes et populistes, passe d’un coup pour irrespectueux des morts des camps nazi», se désole 24 Heures.

Allons donc! Il aurait peut-être mieux valu s’inspirer de la retenue de la communauté juive, dont un responsable se contentait de rappeler que Couchepin était «connu depuis longtemps pour avoir des problèmes d’élocution». Eh oui, Pascal-le bègue a encore frappé.

Pas de quoi freiner pourtant Iwan Rickenbacher, politologue fameux et ancien secrétaire général du PDC, affirmant, très péremptoire, qu’«en Allemagne, cela conduirait à une démission.» Sauf que nous sommes loin d’être en Allemagne et de porter sur nos pures épaules un passé d’Allemands.

Pendant ce temps, dans la Berner Zeitung, le député UDC Heinz Siegenthaler évoque des «tendances brunes» au sein du parti des deux Christoph — Blocher et Mörgeli.

Tant que ce n’est pas un radical valaisan quasi dyslexique qui le dit…