Le premier être humain qui vivra mille ans est déjà parmi nous: c’est la thèse d’un généticien britannique respecté mais controversé. Et si le vieillissement n’était plus une fatalité?
«Je crois que la première personne qui atteindra mille ans est aujourd’hui sexagénaire.» Ces propos ne sont pas ceux d’un charlatan, mais d’un chercheur britannique du département de génétique de l’Université de Cambridge (Angleterre), Aubrey De Grey.
L’être humain pourrait donc bientôt vivre mille ans? La mort de la mort serait-elle pour demain?
Des taoïstes au futurologue Ray Kurzweil en passant par Alexandre le Grand et le philosophe Bacon, la quête de la fontaine de Jouvence suscite depuis longtemps l’espoir d’une vie éternelle. Récemment, les nouvelles technologies sont venues se substituer au mythe. Pour certains scientifiques, le vieillissement doit désormais être envisagé non comme une fatalité mais comme une maladie.
Chercheur respecté, Aubrey De Grey appartient à un courant marginal — mais en forte croissance — de la biologie qui refuse l’inéluctabilité du vieillissement. Agé de 41 ans, ce gérontologue baby-boomer à la barbe fleurie a divulgué, début décembre, ses espoirs qui ont retenu l’attention de la BBC.
Si le XXe siècle est parvenu à ajouter des années à l’espérance de vie (qui est passée de 48 à environ 78 ans), le XXIe ambitionnait lui d’ajouter de la vie aux années, permettant de mourir en bonne santé… Un changement de perspective que dénonce Aubrey De Grey, pour qui notre vision du vieillissement «imprégnée de fatalité» nous empêche de développer un traitement adéquat.
«Jusqu’à récemment, nous n’avions d’autre choix que d’être fatalistes. Car le vieillissement est vraiment horrible et, en même temps, on ne pouvait vraiment pas y échapper. Or la seule façon d’affronter quelque chose qui est à la fois horrible et inévitable est de se laver le cerveau en se convainquant qu’après tout, cette chose horrible a des bons côtés, par exemple que «c’est bon pour l’espèce». C‘est ce que les religions, entre autres, nous ont souvent permis de faire. Mais cette logique s’effondrera bientôt», estime-t-il.
Afin de «guérir» le vieillissement, Aubrey De Grey veut éradiquer les «phénomènes destructeurs» qui se produisent dans le corps, des dommages cellulaires liés à l’âge, qu’il a identifiés. Ils seraient au nombre de sept *.
Or, pour chacun de ces phénomènes, De Grey entrevoit, grâce aux nanotechnologies, à la robotique ou aux biotechnologies, une solution déjà existante ou se profilant à l’horizon. A ses yeux, le traitement du vieillissement ressemblera à un grand bricolage génétique. Il sera administré tous les dix ans à un individu. Cela permettra de remettre son horloge biologique à zéro et de vivre ainsi «très, très longtemps».
Pour l’heure, Aubrey de Grey tente d’administrer sur des souris la preuve de ses allégations. Il s’est donné une dizaine d’années pour y parvenir. De telles expériences étant fort onéreuses, il a lancé en 2003 un concours pour financer ses recherches. Pour remporter le Prix intitulé Souris Mathusalem, il s’agit de faire vivre une souris plus longtemps que sa congénère «GHR-KO 11C » qui est morte à cinq ans, soit l’équivalent de 150 ans pour un être humain.
Par ailleurs, un spécialiste des nanotechnologies, Robert Freitas, s’est, lui aussi, donné comme projet de venir à bout de la mort naturelle. Il pense y parvenir en concevant des robots minuscules qui pourront aller corriger dans le corps tous les effets délétères du vieillissement.
De telles démarches sont reçues avec beaucoup de scepticisme par le monde scientifique. Ainsi le professeur Jay Olshansky de l’Université de l’Illinois à Chicago qui tente d’identifier le gène de la longévité, s’est empressé de répondre aux récents propos de De Grey.
Caustique, il relève que le dénominateur commun de tous les prophètes de l’immortalité est … d’être morts! Pas très éloigné en cela de Raymond Devos qui concède: «Je crois à l’immortalité et pourtant je crains bien de mourir avant de la connaître.»
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*Voici la liste d’Aubrey De Grey:
– les mutations qui modifient la séquence de l’ADN des chromosomes et qui peuvent causer le cancer;
– les mutations de mitochondries;
– les résidus, comme les radicaux libres, produits par les cellules endommagées ou mortes ;
– la sénescence des cellules, qui cessent à un moment de se diviser ;
– les agrégats extra-cellulaires comme l’amyloïde, une des causes de la maldie d’Alzheimer;
– les liens extra-cellulaires, qui diminuent l’élasticité des tissus;
– l’atrophie et la mort cellulaire.
