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30 ans d’agroalimentaire: un pilier de l’économie suisse

Production de matières premières, fabrication de produits semi-finis et finis, industries connexes, innovations dans la foodtech, le secteur se distingue comme un écosystème complet et dynamique.

Une version de cet article réalisé par LargeNetwork est parue dans PME Magazine.

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Des matières premières agricoles aux produits finis, l’agroalimentaire représentait 11% des emplois recensés en Suisse en 2016. Depuis le XIXème siècle, la filière n’a cessé de poser ses jalons dans l’économie locale et internationale. Avec ses chocolats, biscuits et confiserie d’abord, ses fromages aussi et plus récemment les arômes, le packaging, la viande ou la grande distribution. Nestlé, Coop, Migros, Tetra Pak, Barry Callebaut, Fenaco, Givaudan, Firmenich, Bell ou Lindt & Sprüngli se sont imposées comme des géants du secteur et pèsent lourd dans la production de richesse du pays.

1. De la disette à la guerre des prix

«En Suisse comme ailleurs en Europe, l’agroalimentaire prend un important tournant au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, explique Christine Demen-Meier, professeure et responsable du Food Ecosystem Institute de la Haute école de gestion de Fribourg et directrice de l’école hôtelière des Roches (VD). Après cette période de disette, les consommateurs voulaient de l’opulence, du choix, de la qualité et des produits à des prix abordables.» C’est dans ce contexte, en parallèle à la hausse du pouvoir d’achat, qu’apparaissent les premiers supermarchés. Grâce à l’industrialisation progressive des moyens de production, des chaines comme Migros ou Coop renforcent considérablement le nombre de leurs références pour répondre aux attentes de leurs clients.

Pour Christian Schwab, directeur de l’Integrative Food et Nutrition Centre de l’EPFL, «ce contexte conduit peu à peu à la massification de l’offre alimentaire et à l’apogée des supermarchés dans les années 1990. Dans cette course au toujours moins cher, la pression du prix bas l’emporte sur la qualité. Les industriels innovent et délocalisent leur production pour limiter au maximum leurs coûts.» Cette période fait la gloire de géants de l’agroalimentaire comme Nestlé, Danone, Unilever ou Coca-Cola. «L’automatisation poussée de leurs chaînes de production et l’assemblage de denrées venues du monde entier pour produire à bas prix leur a permis d’être les leaders de l’industrie du food. En suivant cette logique, ils ont pu fournir massivement le marché en produits homogénéisés, sûrs et à longue conservation», explique Jérôme Grosse, ingénieur et consultant en stratégie agroalimentaire.

2. Satisfaire un consommateur actif

Cette machine bien rodée s’enraye peu à peu au début des années 2000, lorsque les attentes des consommateurs changent. «De passif, il est devenu actif et exigeant, souligne Christine Demen-Meier. Peu à peu, il a pris conscience de l’importance de l’alimentation pour sa santé et de l’impact négatif des chaînes de production sur l’environnement. A partir de ce moment là, il se tourne vers des produits plus qualitatifs et durables.» Cette période correspond à la progression du bio, de l’aliment moins transformé, nutritionnellement irréprochable, sain et local. Comme le fait remarquer Christian Schwab, «le changement de paradigme est complet: après avoir imposé leurs produits aux consommateurs, les industries de l’agroalimentaire ont dû peu à peu se plier à leurs exigences et trouver des alternatives.»

S’adapter à cette évolution reste un défi. Les grandes entreprises du food doivent revoir leurs chaînes de production très industrialisées et y remettre un peu d’artisanat pour jouer la carte de l’authenticité. L’inverse est vrai aussi: un mode de production artisanale évolue difficilement et ne permet pas de répondre à une demande en constante progression. Cette latence laisse la place à un style nouveau d’entrepreneurs. Plus flexibles, au fait des tendances, ils cassent les codes des grands du food et répondent efficacement aux attentes du consommateur devenu végétarien, vegan, macrobio, ou majoritairement flexitarien. Pour Jérôme Grosse, «s’alimenter est devenu une sorte de religion, une carte d’identité qui change quasiment chaque mois avec l’arrivée du régime à la mode, au point de se perdre dans une sorte de polythéisme alimentaire». Transparence des étiquettes, pédagogie pour consommer mieux, ces tendances percent et aident le consommateur à s’y retrouver.

3. De la fourche à la fourchette

L’apparition des nouvelles technologies contribue aussi à la transition alimentaire et réduit l’écart entre le producteur et le consommateur. «L’introduction du numérique touche toute la chaîne de valeur de la production alimentaire», poursuit Christine Demen-Meier. Drones pour surveiller les champs, blockchain pour tracer les légumes, connexion des clients et des livreurs à vélo, la digitalisation affine le service, satisfait les besoins du consommateur pour lui faciliter la vie. Les innovations sur la biomasse, le recyclage et l’utilisation réfléchie des denrées permettent aussi de réduire le gaspillage qui concerne encore 30% des aliments produits.

Biotechnologies pour remplacer les protéines animales, nutrition de précision répondant parfaitement aux besoins de l’organisme, applications rassurantes, le champ d’implication des nouvelles technologies dans le food progresse rapidement. Une manne pour les 300 start-up suisses actives dans le domaine de l’alimentaire. Sur le long terme, reste à ces nouveaux venus de trouver leur place dans un écosystème où la concurrence est rude et le consommateur de plus en plus exigeant.

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Chiffres clés

En Suisse

10,6 milliards CHF d’importations de produits alimentaires

8,6 milliards CHF d’exportations de produits alimentaires

Industrie alimentaire

4’900 établissements

86’800 emplois

Vente d’aliments en gros

3’400 établissements

34’000 emplois

Vente d’aliments au détail

11’100 établissements

95’600 emplois

Restaurants, tea-rooms, bars, cantines et traiteurs

26’600 établissements

173’500 emplois

Agriculture

51’800 établissements

150’600 emplois

Source: Office fédéral de la statistique.

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Secteurs clefs du food à Fribourg

27,4% production animale

12,2% fabrication de produits laitiers

10,2% Transformation de produits carnés

20% des emplois du canton

Source: Promotion économique du canton de Fribourg

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2049 : une alimentation sur-mesure pour un consom’acteur

Face à son assiette, le consommateur du futur se montrera exigeant sur la provenance et la qualité de ses aliments. Plus informé, ce consom’acteur aura pour maîtres-mots: choix raisonné, transparence, traçabilité, nourriture saine et moins carnée.

Les tendances s’orientent également vers la personnalisation de l’alimentation en fonction des besoins, du métabolisme et de la génétique de chacun. L’aide d’une diététicienne, d’alicaments et autres compléments alimentaires, favorisera cette démarche. Le futur de l’alimentation passera aussi par l’utilisation poussée des nouvelles technologies, de l’intelligence artificielle ou encore des open data.

Snacking, plats préparés, ces tendances de consommation dictées par nos modes vie progressent. Toutefois, un bon repas agrémenté par une cuisine authentique resteront dans notre culture alimentaire comme des synonymes de convivialité et de plaisir.