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De la formule magique aux calculs d’épiciers

C’est la question qui va sans doute agiter la marmite fédérale jusqu’au mois de décembre: faut-il satisfaire à la demande des Verts, formulée dès le soir du 20 octobre, d’accéder au Conseil fédéral? En un mot, retouiller les vieux ingrédients de la formule dite magique? Laquelle n’a rien d’un tour de passe-passe ni d’une imprécation miraculeuse, puisqu’elle consiste sobrement – bêtement diront certains – à accorder deux sièges aux trois formations politiques les mieux représentées au parlement, et un à la quatrième.

Il se trouve que cette quatrième place, les Verts, au National du moins, l’ont ravie au PDC. Si l’on y ajoute la poussée des Verts libéraux, la mouvance écologique pourrait même se targuer, avec 20%, d’être le deuxième parti du pays, derrière l’UDC. Certes dans les faits cette mouvance n’a rien de bien compact, la plupart des «Verts verts» étant très marqués à gauche, tandis que leurs cousins libéraux, comme leur nom l’indique, ont sur des sujets comme la fiscalité ou l’entreprise des positions plus proches des radicaux. Et puis se débarrasser du PDC ce serait, pour toute la gauche, se priver d’un allié occasionnel contre la droite dure.

On voit que l’équation n’a pas la limpidité des évidences. Tout au plus pressent-on que le Conseil fédéral, quelle que soit sa composition partisane, ne pourra pas longtemps ignorer les préoccupations environnementales exprimées lors ces élections. D’autant qu’elles ne devraient, logiquement, s’arrêter qu’avec le réchauffement climatique, c’est-à-dire ni demain ni après-demain. Sans compter qu’avec la représentation actuelle près de 21% des électeurs ne seraient pas représentés au Conseil fédéral.

Tous ces paramètres ont fait ressurgir en quelques jours un des plus méchants serpents de mer qui soit: l’idée d’augmenter le nombre de conseillers fédéraux de 7 à 9, qui fait fantasmer surtout à gauche et au centre. Histoire que n’importe qui et n’importe quoi – les langues, les régions, les partis, pourquoi pas les genres, les religions, les âges et dieu sait quoi encore – soient mieux représentés qu’aujourd’hui au gouvernement.

On pourra à bon droit juger cette solution bien paresseuse: plutôt qu’un effort pour se partager équitablement le gâteau, on préfère agrandir le moule, que chacun puisse se bâfrer à son aise. La «charge de plus en plus grande» des ministres est également invoquée. Qui pourtant serait capable, sans mauvaise foi, de citer un seul cas récent de burn-out au Conseil fédéral? Tout ça pour un surcoût d’environ 40 millions par année. D’autant plus injustifiable que, comme le rappelle froidement le conseiller national Philippe Nantermod, «on fait un gouvernement en fonction des besoins d’une collectivité publique et non en fonction des intérêts partisans du moment».

Ne reste donc qu’à ressortir la calculette, si pas les poids de la balance. Pour s’apercevoir que l’arithmétique aux yeux des Verts ne fonctionne que dans un sens. C’est en son nom qu’ils réclament un siège au Conseil fédéral mais pour aussitôt dire préférer le prendre aux radicaux plutôt qu’au PDC, comme le voudrait pourtant le décompte des pourcentages: 15,1% pour le PLR, 13,2% pour les Verts, et 11,4% pour le PDC.

L’argument avancé par de nombreux Verts et socialistes est qu’une nouvelle formule magique donnant deux sièges aux deux principaux partis (UDC et PS) et un à chacun des viennent- ensuite (PLR, Verts et PDC) aurait l’avantage de la stabilité. Il n’y aurait plus besoin en effet à chaque modification de l’ordre d’arrivée de rebattre les cartes, chacun étant, en quelque sorte, servi d’avance. Ce qui ressemble quand même à une manière pas très glorieuse ni bien inventive de vouloir clouer la table après l’avoir renversée.