GLOCAL

Les petites femmes vertes

La vague écologiste et féministe qui a submergé le parlement a des chances de durer. La formule magique paraît condamnée à terme. Sauf en Valais bien sûr.

Ouragans, tsunamis et raz-de-marée sont des effets désormais banals du réchauffement climatique. Il n’en a pas été autrement lors des élections fédérales du 20 octobre 2019.

Sauf qu’il serait malvenu de parler ici de catastrophe naturelle. Les deux composantes de la vague verte et féminine correspondent simplement aux obsessions les plus présentes du moment: Me Too et Greta Thunberg dans le même panier, cela ne pouvait que faire des étincelles.

Cette année, les femmes en grève et les jeunes pour le climat ont occupé la rue avec une belle et forte visibilité. Il était logique que ces deux formes particulièrement virulentes de mouvements sociétaux parviennent à percer les murailles d’un parlement confit dans de trop vieilles certitudes.

La formidable poussée des Verts et Verts libéraux a en tout cas immédiatement fait resurgir la remise en question de la formule magique. La justice mathématique, en pourcentage du moins si ce n’est pas en nombre de sièges, voudrait effectivement qu’un ou une écologiste entre au Conseil fédéral. Au détriment du siège PDC voire, suivant les humeurs, calculs et transactions partisanes, à la place du deuxième siège radical. La vénérable NZZ, ni spécialement verte ni férocement féministe, a montré que si la formule magique restait telle quelle – 2 UDC, 2 socialistes, 2 radicaux et 1 PDC – le pourcentage des forces politiques non représentées au Conseil fédéral n’aura jamais été aussi élevé depuis 1959.

La demande légitime des Verts a été accueillie avec un principal contre argument: une entrée au Conseil fédéral est le résultat d’une poussée qui se confirme sur plusieurs élections et législatures. Les Verts il est vrai sont un peu les spécialistes de la dent de scie. Dopés un coup par l’effet Fukushima, laminés la fois suivante quand l’écume de l’actualité radioactive est retombée.

Sauf que cette fois l’événement qui porte la vague verte – l’apocalypse climatique claironnée partout – est parti pour durer. On a vu l’UDC effectuer une progression continue, jusqu’à l’obtention d’un deuxième siège, en surfant sur une situation pourtant moins évidente et scientifiquement avérée que le réchauffement climatique: l’invasion migratoire.

L’UDC Magdalena Martullo-Blocher, certes triomphalement réélue dans les Grisons, a beau parler «d’hystérie verte», dénoncer une «alliance climatique» à court terme, et donner rendez-vous dans quatre ans pour un retour de bâton cinglant, on voit mal d’ici là les glaciers regagner du terrain et les courbes de température en perdre.

Le principal argument contre une présence des Verts au Conseil fédéral consisterait peut-être à supputer que ce parlement risquera d’être très fragmenté, moins homogène et donc peu efficace, ce qui pourrait éventuellement se payer dans quatre ans.

Surtout qu’on peut très bien se préoccuper des flux migratoires sans pour autant plébisciter les solutions de l’UDC, comme on peut très bien suer d’effroi devant le désastre climatique sans être tout à fait sûr que les recettes des Verts soient plus efficaces que d’autres.

N’empêche, triomphe écologiste et féministe il y a bien eu: 28 sièges supplémentaires pour les Verts et les Verts libéraux et une représentation féminine passant de 32 à 42%.

Comme dans toutes les belles histoires, enfin, on n’échappe pas au village d’irréductibles. Un village valaisan, comme c’était malheureusement prévisible. Après avoir octroyé les huit sièges du Conseil national à huit hommes – dont un certes pour la première fois à un écologiste – les résidents de cet inimitable canton se trouvent devant un dilemme inédit pour le deuxième tour de l’élection au Conseil des Etats.

Le vote progressiste, en l’occurrence celui en faveur du socialiste Matthias Reynard, qui talonne la femme du ticket PDC, Marianne Maret, aboutirait à concrétiser un résultat hautement patriarcal et rétrograde: une délégation cantonale à Berne 100% masculine. 10 sur 10, mais un bonnet d’âne.