- Largeur.com - https://largeur.com -

Le loup, directement

Le référendum contre la loi sur la chasse risque de déboucher sur une somptueuse bataille. Pour enfin vider une querelle moisie à force.

Enfin. La question qui passionne les foules depuis un quart de siècle et occupe un espace médiatique continu, sans doute inversement proportionnel à sa réelle importance, puisque dépassant rarement le cadre évanescent du symbole, oui la question des questions va être tranchée.

Cela va se faire à la suisse, c’est-à-dire en vidant la querelle une fois pour toute – jusqu’à la prochaine en réalité – par un bon vieux référendum populaire. 2020 marquera en effet la rencontre tant attendue entre le loup et la démocratie directe.

Pro ou anti, chacun va pouvoir se compter, fourbissant et refourbissant les mêmes irréfutables arguments depuis 1995 et l’apparition de la bête de Ferret, marquant le retour du loup sur nos jusqu’alors si heureuses et pentues latitudes. Même si le loup ne sera pas le seul animal concerné par la votation, on peut en être sûr, il ne sera parlé que de lui.

La faute donc au très prévisible référendum lancé par des organisations de défense de l’environnement, comme ProNatura, le WWF, BirdLife, le Groupe Loup, Zoosuisse… Tout aussi prévisible, la récolte de signatures ne pourra qu’aboutir. Dans le viseur, la nouvelle loi sur la chasse, validée par le parlement grâce à une alliance entre conservateurs des villes et montagnards de tout poil – ce qui fait encore du monde, quoi qu’on en pense.

Cette loi certes n’entend pas rendre la vie facile à toute une clique sauvage. Le loup, mais aussi le castor ou le héron cendré, ont du souci à se faire. Puisqu’il devrait s’avérer dorénavant plus facile de les «tirer» – synonyme officiel, administratif et poli pour «tuer».

Autre synonyme apaisant martelé par les supporters de la nouvelle législation: pragmatisme. C’est une approche en effet «pragmatique» qui sera privilégiée dans les gestion des animaux posant des problèmes, approche incluant la possibilité d’un abattage préventif avant même d’avoir dû, comme aujourd’hui, apporter la preuve des dégâts et rapines commises par la bête incriminée.

La compétence pour réguler la faune sauvage serait par ailleurs largement cédée aux cantons. Pour les organisations écologistes, l’affaire est entendue: la protection des animaux n’est plus assurée dans notre pays. La notion de prévention, dotée en temps ordinaire d’une aura quasi magique, surtout à gauche, est ici lourdement vilipendée. Un animal paierait de sa vie le seul fait d’exister.

Bref la bataille sera somptueuse. La question a beau être ancienne, pour ne pas dire franchement moisie, elle mettra aux prises des courants aussi contemporains et vigoureux que l’écologisme, l’antispécisme, le végétarisme, face à des mouvements anthropocentrés, patrimoniaux, voire identitaires. Pour ces derniers, toute protection du loup équivaut à désavouer les efforts d’ancêtres qui s’étaient appliqués à exterminer ces «sales bêtes» jusqu’à la dernière. «En plus, ça ne se mange même pas» constatait déjà Obélix après la traversée agitée d’une forêt infestée de brigands et de loups.

Le loup, ce migrant éternel, et créature plus symbolique que jamais, aura donc pour lui, grosso modo, les citadins, la gauche, les mondialistes, les environnementalistes et contre lui la ruralité, la vieille droite, les souverainistes au sens large et autres amateurs de frontières. Que les meilleurs gagnent.