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«Belle journée» et quelques mots d’octobre 2019

Le langage révèle l’époque. Notre chroniqueuse s’interroge ce mois-ci sur l’usage d’expressions comme «grounding humain», «solastalgie» et «virilité».

Grounding humain
Ils ont renoncé à l’avion par conscience écologique. Le nombre des adeptes du mouvement «Flygskam» (honte de prendre l’avion) est en train de… s’envoler. C’est sans doute le voyage en train de Greta Thunberg en début d’année, depuis la Suède jusqu’à Davos, qui a suscité ces vocations de «grounding humain». Une ordinare cialis online a été lancée pour enregistrer ceux qui s’engagent à rester au sol.

Depuis cet été, les témoignages de ces aventuriers éco responsables se multiplient dans les médias. Autant de récits quasi initiatiques! «Prendre des vols EasyJet à 39€ pour aller dans n’importe quelle ville d’Europe pour un week-end, je l’ai fait. Ce n’est pas hyper enrichissant. C’est juste de la surconsommation appliquée au tourisme», estime Samuel.

«Sur les rails, le trajet fait vraiment partie du voyage. Il permet d’éprouver la distance, de prendre le temps qu’on n’a pas dans la vie de tous les jours pour lire, préparer son séjour… Sur place aussi, on a plus de temps pour vraiment découvrir le pays dans lequel on met les pieds», explique Ingrid qui lira peut-être «L’usage du monde» de Nicolas Bouvier grâce à sa nouvelle manière de se déplacer.

Solastalgie
L’état de la planète alarme les médias. Que de constats, rapports, signaux, cris, messages, signes, rythmes, chiffres, tableaux, déficits, états des lieux, déclins ou abus qualifiés d’alarmants. «Savoir ce que l’on affronte est alarmant, mais l’ignorer est terrible», estimait Victor Hugo. La connaissance n’en est pas moins angoissante. Le sort de la planète susciterait de nouvelles pathologies. Ainsi, la solastalgie. Un néologisme venu du terme anglais «solace», qui signifie «réconfort» et d’«algie» qui signifie «douleur». Ce concept a été développé en 2007 par Glenn Albrecht,  philosophe australien de l’environnement, dans l’article «Solastalgie: la détresse causée par le changement de l’environnement». En 2019, les psychologues  parlent de patients de plus en plus nombreux à souffrir d’éco anxiété. La lecture de «La peur du futur. Comment ne plus s’angoisser» d’Alain Braconnier y remédiera-t-elle?

Virilité
Pas facile d’être un homme après MeToo et la grève des femmes! Ce n’est pas «devenir femme» mais «devenir homme» qui est aujourd’hui compliqué. Comment vivre sa virilité? Faut-il la déconstruire, l’abandonner? La pub Gillette a contribué à lancer le débat. L’essai «Virilités vrillées» de Nancy Huston y participe avec une question iconoclaste s’adressant aux femmes: «Les femmes sont-elles prêtes à aimer d’amour des hommes qui s’avouent faibles? des hommes qui n’ont pas de sous et ne roulent pas des mécaniques? des hommes qui – sur le plan intellectuel, financier ou musculaire, selon le milieu social – n’écrabouillent pas les autres?»

De quelle manière les femmes souhaitent-elles que les hommes soient hommes? Leurs réponses devraient guère différer des attributs qu’Ivan Jablonka prête aux: «Hommes justes», son dernier livre. Il y pose la question à chaque mâle en devenir: comment comptes-tu contribuer à rendre la société plus juste en matière de genre? Une lecture inspirante.

Belle journée!
«Bonne journée!» se raréfie et laisse place à «Belle journée!». Consultez vos fins de courriels et SMS, vous y découvrirez l’apparition, il y a quelques années, de cette nouvelle expression jusqu’alors propre à la seule météo. En France, elle a sa championne avec la journaliste vedette Léa Salamé qui termine chaque matin son émission en lançant un enjoué «Belle journée!». Les médias suisses n’en privent pas non plus leurs auditeurs.

Les puristes ne s’accommodent pas de ce glissement de «bonne» à «belle» journée qui témoignerait d’une forme de déresponsabilisation. Si l’on vous souhaite une «bonne» journée, il vous revient de faire en sorte que votre journée soit «bonne», que vous la preniez en main. En revanche, si l’on vous souhaite une «belle» journée, vous vous en remettez à la Providence. Selon David Castello-Lopez, la formule devrait commencer à décliner d’ici la fin de l’année. Que se souhaitera-t-on en 2020? Une suggestion très confédérale: «Allegra!» Bonjour en romanche, à la consonance joyeuse. Un remède à la collapsologie ambiante.