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Les Machiavel du PDC

À la peine dans les sondages, le parti centriste casse son image en attaquant directement ses adversaires, à travers un procédé en ligne discutable. Une stratégie peut-être plus habile qu’elle n’en a l’air.

C’est une question qu’on n’aurait jamais imaginé devoir poser: «Le PDC ne serait-il pas un tantinet machiavélique?» Certes son président Gerhard Pfister n’a pas vraiment le profil du centriste mou, ni du béni oui-oui de sacristie. Plutôt du genre philosophe abrupt, prompt à prendre de haut le monde entier.

N’empêche, de là à imaginer le parti par excellence du consensus et du juste milieu briser un véritable tabou – tabou certes qu’il était à peu près le seul à s’imposer – il y avait un sacré pas. Qui a donc été franchi: à savoir se laisser aller, pour cause de campagne électorale, à des attaques personnelles. À cibler nommément des adversaires. Bref le PDC a condescendu à faire, c’est horrible à dire, de la politique. De la vraie, de la bien grasse. À plonger ses blanches mains dans le cambouis.

Oh, rien de bien méchant, on n’est pas encore chez les Huns ni même à l’UDC. Juste une vraie malveillance dans le procédé, consistant à égarer l’internaute recherchant le nom d’un candidat vers des arguments le décrédibilisant et renvoyant vers de «vraies solutions», à savoir le programme du PDC.

Si l’on tape par exemple le nom d’un candidat PLR, une annonce apparaît qui informe que ce parti entend «imposer au peuple suisse l’accord-cadre avec l’UE à n’importe quel prix, faire passer les intérêts des industries exportatrices avant la protection des salaires». De même le nom d’un candidat UDC rappellera que cette formation «ne prend pas aux sérieux les conséquences du changement climatique, polarise le débat au lieu de chercher des solutions durables, ignore les préoccupations des agriculteurs».

Quant aux candidats PS ou Verts ils sont mis dans le même vilain sac, accusés de «refuser de s’attaquer à la racine du problème des coûts de la santé» ou de «gaspiller encore plus l’argent des contribuables».

Le résultat a été spectaculaire, avec une indignation à peu près générale. «On ne peut pas faire pire, c’est complètement incohérent avec l’image que veut se donner le PDC, c’est l’auto-goal le plus complet» note le conseiller national PS Mathias Reynard. Le PLR Philippe Nantermod n’est pas plus amène: «Le PDC se présente lui-même comme le parti bâtisseur de ponts et la première fois qu’on l’entend dans cette campagne, c’est pour tirer sur tout le monde…»

Comme si en somme, les idées de tolérance, de modération et de consensus ne pouvaient être défendues qu’avec la plus extrême mollesse, reproche qui est d’ailleurs fait habituellement au PDC.

Le plus beau est que cette vertueuse indignation a gagné les rangs même du parti. C’est là qu’on peut envisager l’hypothèse folle d’un machiavélisme démocrate-chrétien. L’opération a en effet permis à nombre de candidats PDC de se désolidariser de leur direction nationale et de rappeler combien eux, quoique faisant de la politique, avaient su garder une âme pure, enfantine, sans tache ni aigreur.

À l’image d’un Claude Béglé qui a ainsi pu faire savoir que lui préférait «faire campagne en mettant en avant ce que nous avons de positif plutôt que de casser du sucre sur les autres». Un vrai penchant à la bienveillance qu’il avait d’ailleurs déjà su démontrer lors de son récent et fameux voyage en Corée du Nord. D’autres candidats PDC comme le valaisan Benjamin Roduit ou le vaudois Axel Marion ont repris le même refrain sur l’air pudibond de «pas de ça chez nous».

En oubliant peut-être qu’il existe, pas si loin, à nos frontières, un spectaculaire exemple de centrisme offensif, pour ne pas dire assassin et, pour l’instant, victorieux. Cela s’appelle le macronisme.