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Sainte Viviane, prêtresse de la nuit

L’artiste Virginie Morillo a repris récemment la direction artistique de Chez Jean-Luc. Résurrection d’un lieu de fête historique de la vieille-ville de Genève.

Mouton noir de la famille, roi du disco, se déplaçant toujours en patin à roulettes… L’histoire raconte que Jean-Luc s’est exilé dans cette taverne chaleureuse de la rue de la Cité pour en faire un rendez-vous nocturne incontournable. Même Nina Simone s’y arrête lors de son passage en Suisse. Quarante- cinq ans plus tard, Virginie Morillo, sous le pseudonyme de Sainte Viviane, reprend la programmation de ce bar de nuit mythique. «À Genève, la tendance est de tout transformer afin d’ajuster les lieux au goût du jour. J’ai eu envie de prendre le contrepied en mettant le passé en valeur.»

Sa passion pour le cabaret, le burlesque et l’errance de la période surréaliste trouve ainsi les moyens de s’épanouir dans cette grotte souterraine. Qualifié de «cavité» par la trentenaire genevoise, l’espace se fait plateforme artistique insolite. L’occulte, la magie et le délicatement érotique se mêlent et construisent un univers à part entière. «Mon ambition est d’offrir un endroit d’évasion à travers des propositions décalées et surprenantes. D’ailleurs, les réseaux mobiles ne sont pas accessibles ici.»

Pousser la porte de la cavité promet donc une soirée hors du temps. Alignées sur le calendrier lunaire, les propositions alternent entre concerts live, DJ sets, lectures érotiques ou dégustation de cocktails sur mesure. Pour l’artiste plasticienne, dont e travail se concentre principalement sur des installations sculpturales en résine et des films conçus dans le cadre du projet Maison Suspecte, la gestion de la programmation de Chez Jean-Luc permet d’élargir sa pratique. «L’espace se laisse parfumer par mes nombreux voyages lors de résidences artistiques. Par exemple, la Bretonne du Yucatán ou le confit de poulet aux épices et piment chipotle s’inspirent d’une vie artistique de deux ans au coeur du Mexique.»

La carte gourmande, avec des ingrédients aphrodisiaques, est élaborée en collaboration avec le chef étoilé Serge Labrosse. «La succession de boulettes» propose ainsi des falafels servis sur un tartare d’avocat, tandis que «Le lait du tigre pour ton thon» marie la patate douce aux dés de thon marinés relevés de leche de tigre. Et quelques soirs, Sainte Viviane se retrouve elle-même derrière les platines. «Passer ses disques, c’est dévoiler sa part de mystère, faire partager des émotions avec son public. Il y a pour moi quelque chose de chaleureux dans le crépitement des poussières du vinyle. La beauté du défaut.»

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Une version de cet article réalisé par LargeNetwork est parue dans la Tribune de Genève